L’année 2024 marque le grand retour des faillites. Sur les six premiers mois de l’année le nombre de défaillance a augmenté de 21 % par rapport à l’année dernière dont une augmentation de 38% pour les redressements judiciaires. Et le secteur du capital-investissement n’a pas été épargné, avec, encore récemment, la société ÿnsect, pépite de la French Tech qui avait levé près de 500 millions d’euros et qui vient d’annoncer sa mise sous sauvegarde judiciaire. Parallèlement, les retards de paiement se sont allongés (passant à 51 jours en moyenne en 2024) selon deux études réalisées à la rentrée (Coface et Altares). La seule certitude que nous pouvons avoir est que la capacité d’anticipation reste la qualité maitresse pour éviter des liquidations immédiates. Sur ce sujet les fonds d’investissement doivent apprendre à changer leurs méthodes de surveillance de leurs participations pour éviter d’être mis devant le fait accompli de la cessation des paiements. C’est dans ce contexte que le 24 septembre dernier, le cabinet d’avocats Taylor Wessing conviait clients et partenaires à une table ronde intitulée « Solutions pour redresser les participations en difficultés » en présence de Nicolas de Witt, avocat associé corporate chez Taylor Wessing, Kristell Cattani, avocate associée restructuring chez Taylor Wessing, Arnaud Marion, manager de crise et CEO de l’IHEGC (Institut des Hautes Etudes en Gestion de Crise), Clotilde Delemazure, associée prévention et restructuration chez Grant Thornton et Adrien Baquet, Business Manager Senior chez Delville Management. Kristell Cattani revient pour Mayday sur les principaux enseignements de cette soirée.
Traditionnellement, les fonds d’investissement, lorsqu’ils prennent des participations, règlent par la négociation du pacte d’actionnaires le degré de reporting auquel ils entendent astreindre le dirigeant et son équipe et les décisions qui sont soumises à leur veto. Par ce mécanisme ils estiment avoir une vision globale des performances de la société et des engagements qu’elle prend sans pour autant prendre le risque d’une mise en œuvre de leur responsabilité. Pour autant, l’expérience montre que les informations qui sont sollicitées ne sont pas suffisamment précises pour identifier en amont une future situation de crise. A titre préliminaire, il faut rappeler que l’inquiétude de la mise en œuvre de responsabilité liée à un soutien abusif n’est pas fondée. D’une part cette notion n’existe plus dans le code de commerce mais en outre, l’article L 650-1 du code de commerce limite drastiquement la responsabilité du pourvoyeur de crédit.
Il n’existe aujourd’hui pas de raison pour qu’un actionnaire financier n’ait pas une vision précise de la situation financière de l’entreprise dans laquelle il a investi.
Si l’information à aller chercher est définie, cette connaissance permet d’envisager avec l’équipe dirigeante les actions à envisager si cela s’avère nécessaire.
Ainsi, l’accroissement des délais de paiement par l’entreprise de ses fournisseurs d’un trimestre à l’autre ou le décalage du paiement des charges sociales (et ce même si cela ne concerne que les charges patronales) sont notamment des indices qui doivent conduire un actionnaire investisseur à se rapprocher du dirigeant et de ses collaborateurs pour comprendre la nature des difficultés rencontrées.
Lorsque la situation de l’entreprise est envisagée suffisamment en amont, le dirigeant peut solliciter l’ouverture d’une procédure amiable : mandat ad hoc ou conciliation.
La procédure de conciliation est prévue par les articles L.611-4 à L.611-15 du code de commerce.
Il s’agit d’une procédure confidentielle, ouverte par le Président du Tribunal, au bénéfice de toute société qui éprouve une difficulté juridique, économique ou financière et qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Dans le cadre de l’ouverture de cette procédure sur requête du dirigeant, le Président du Tribunal désigne un conciliateur (proposé par le dirigeant) pour une durée qui ne peut excéder 4 mois (+1 mois) avec pour mission de l’assister dans ses discussions avec ses créanciers, partenaires et/ou ses cocontractants afin de mettre un terme aux difficultés rencontrées.
L’objectif de la conciliation peut être double :
- parvenir à un accord avec les principaux créanciers permettant d’améliorer la situation financière, économique ou juridique de l’entreprise et garantir la pérennité de son exploitation
- Organiser la cession partielle ou totale d’une entreprise dans un cadre in bonis ou par cession pré-pack
Les moyens pour y parvenir sont les suivants :
- Confidentialité de la procédure
- Autonomie de gestion de l’équipe de direction en place (aucune ingérence du conciliateur)
- L’homologation permet de donner un privilège aux investisseurs qui auront apporté des financements dans le cadre de la conciliation (New Money) et/ou traitement fiscal favorable des abandons de créance
- Les cautions (et assimilées) personnes physiques et morales peuvent se prévaloir de l’accord constaté ou homologué
- Octroi de délais de grâce de deux ans
- Impossibilité de demander l’ouverture d’une procédure collective par un créancier.
Le succès des procédures de prévention est de 80% soit le double des procédures de redressements judiciaires.
Cette procédure permet donc de sécuriser un nouvel investissement mais également de céder une participation de manière encadrée et préparée. L’intérêt pour un actionnaire investisseur est donc réel : non seulement l’éventuel nouvelle levée de fonds se fera de manière réfléchie avec un privilège et en permettant de réfléchir à de nouvelles règles de reporting mais si la levée de fonds n’est pas possible, la sortie par une cession est toujours facilitée lorsqu’elle est mise en œuvre in bonis.
Par Kristell Cattani, avocate associée chez Taylor Wessing
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