A l’approche de la fin d’année 2020, le bilan sur les défaillances des entreprises n’est pas celui imaginé. Sur le premier trimestre 2020, Altares relevait qu’une explosion des défauts d’entreprises devraient être évitée grâce au tissu économique français et aux dispositifs d’accompagnement public. Cependant, l’experte de l’information sur les entreprises craignait tout de même une forte augmentation des faillites en 2020, avec « 4 à 5 000 défaillances de plus que 2019 ». Force est de constater que la vague de faillites attendue n’est toujours pas au rendez-vous.
Des défaillances d’entreprises contenues
Thierry Millon, directeur des études Altares, indique que « les défaillances d’entreprises sont extraordinairement contenues. Depuis janvier, les tribunaux ont prononcé 24 000 ouvertures de procédures collectives, soit le plus bas niveau de défaillances depuis plus de 30 ans. L’État, qui a très tôt mis en place des mesures de soutien (chômage partiel, PGE, report des cotisations et aménagement des règles de cessation de paiement, etc.) a permis aux entreprises de tenir le choc, jusqu’à maintenant ». En effet, ces mesures de justice économique ont permis à certaines entreprises de garder la tête hors de l’eau jusque-là.
Ainsi, une première réponse aux difficultés immédiates a pu être apportée aux entreprises, afin notamment de ne pas pénaliser celles dont la cessation des paiements était directement liée à la crise sanitaire. Cependant, dans la lettre d’actualité des procédures collectives du mois de mai dernier, l’administrateur judiciaire Erwan Merly (AJIRE) avait relevé que différer de plusieurs mois l’analyse et le traitement d’une entreprise en difficulté, sans avoir été contraint de recourir aux procédures amiables et à l’intervention de professionnels du retournement, « engendrera inéluctablement des pertes de chance et des séquelles probablement liquidatives ».
C’est d’ailleurs ce qu’indique Thierry Millon dans le rapport Altares. « Plusieurs signaux nous alertent, en particulier la proportion grandissante de liquidations directes, révélatrice d’entreprises qui ont sans doute trop attendu pour se déclarer en cessation ».
Une forte hausse des liquidations judiciaires
Alors même que le niveau de défaillances reste très bas, soit 6 702 défaillances au 3e trimestre 2020 (-35,4 % par rapport à 2019), les indicateurs montrent une importante hausse de liquidations judiciaires, révélateur du contre coup négatif du gel de la cessation des paiements.
Le secteur du commerce s’avère le plus impacté, avec 1 517 défaillances (en baisse de 35,6 % par rapport au 3etrimestre 2019). Au contraire, le secteur de la construction connait quant à lui un très net recul de 42,3 % avec 1 447 procédures. Concernant les sociétés de plus de 100 salariés, si au cours du deuxième trimestre 2020, les procédures bondissaient de 33 % pour atteindre 52 défaillances, ce n’est plus le cas sur le troisième trimestre 2020. On comptabilise en effet sur cet été 27 procédures de PME et ETI contre 31 au 3e trimestre 2019.
L’administrateur judiciaire Hélène Bourbouloux (FHB) indique à BFM Business que, selon elle, la plus grande difficulté à laquelle doivent alors faire face les entreprises est l’imprévisibilité. Car si d’apparence les mesures ont permis que « le pire soit moins pire que prévu », les sociétés risquent d’être confrontées à un manque de trésorerie et à un échec des procédures amiables ou collectives. Les entreprises qui se présentent aujourd’hui devant les tribunaux sont en effet dans une situation extrêmement dégradée, à tel point que 3 procédures sur 4 mènent à la liquidation judiciaire. Le rapport Altares au 3e trimestre 2020 relève à ce sujet « qu’à l’heure post Covid, les entreprises se présentent devant le tribunal dans des conditions financières ne permettant plus d’envisager une poursuite d’activité ».
Les entreprises débitrices doivent aller voir les tribunaux en amont, avant que leurs difficultés ne soient irréversibles. Or ces dernières jouent le jeu des ordonnances, qui ont cristallisé l’état de cessation des paiements, et ont tardé à ouvrir une procédure ou en ont ouverte une ne correspondant pas à leur situation réelle. La vague de défaillance ne sera alors peut-être pas aussi forte qu’attendue, mais elle sera sans aucun doute profonde et durable.
Par Agathe Caquineau