Quelques mois seulement après la fin du confinement, alors qu’une vague de faillite d’une particulière ampleur était à craindre, le bilan du 2ème trimestre 2020 s’avère étonnamment positif : moins de 6.000 défaillances par rapport à l’année dernière à la même période et ce dans toutes les régions de France. Les entreprises tiennent bon, mais 100.000 sont sous tension et 43.400 emplois sont menacés. Un bilan en demi teinte donc.
D’après Thierry Million, directeur des études Altares, « le premier semestre 2020 restera dans les annales de l’accompagnement de l’entreprise en difficultés. Moins de 17.000 entreprises ont fait l’objet d’une procédure collective à mi année. Il faut remonter à plus de trente ans pour trouver un nombre aussi faible. Ces chiffres paraissent pourtant invraisemblables au regard de la force de la crise. En réalité, c’est l’aménagement des textes règlementaires qui a permis cette étonnant résistance des entreprises. Sans cette adaptation du droit et l’aide des pouvoirs publics, des dizaines de milliers d’entreprises seraient tombées dès ce 2ème trimestre, beaucoup disposant de moins de trente jours de liquidité pour faire face aux dépenses immédiates. »
Même si le niveau global de défaillances est historiquement bas, les entreprises de plus de 50 salariés ressortent largement fragilisées. Les mesures de confinement et les ordonnances d’adaptation du droit des entreprises en difficulté ont permis de contenir les niveaux de défaillances sous le seuil des 6.000 avec 5.766 procédures collectives ouvertes au cours du 2ème trimestre 2020 : une baisse globale de 53,3% comparée à la même période de l’an passé. Cependant, si la tendance globale semble au beau fixe, la situation des entreprises de plus de 50 salariés est inquiétante puisque les chiffres montrent une augmentation de 15,7% du nombre de défaillances.
Le nombre de jugements d’ouverture concernant des PME de 50 à 99 salariés est constant (44 défaillances) et celui des sociétés d’au moins 100 salariés a augmenté de 33% (52 défaillances, soit le plus mauvais chiffre depuis 2013). Au contraire, le taux de sinistralité chez les entreprises de moins de 50 salariés est en baisse de 53,8%. Comme lors des trimestres précédents, les TPE de moins de 10 salariés concentrent plus de 9 défaillances sur 10 (92%). Leur nombre (5.282) recule de 55% par rapport au même trimestre 2019. Le nombre de défaillances chez les PME de 10 à 49 salariés est également en baisse de 39%.
Alors même que le nombre de défaillance a été divisé par deux par rapport au 2ème trimestre 2019, le nombre d’emplois menacés est quant à lui en hausse, affichant 2.400 emplois de plus qu’en 2019 (soit 43.000 emplois). La moitié des procédures de sauvegardes et les deux tiers des redressements judiciaires ont concerné des entreprises de moins de 3 salariés. Pour autant, les procédures ouvertes au profit d’ETI, comme La Halle, Camaïeu, Celio, Orchestra Premaman, Naf Naf ou Very Wear, ont fait grimpé le compteur des emplois menacés. Le ratio moyen d’emplois menacés par défaillance est passé de 3,3 à 7,5 au 2ème semestre 2020.
Cette nette baisse des défaillances s’affiche sur l’ensemble du territoire et dans tous les secteurs d’activité. Le recul est particulièrement net pour le secteur de la construction avec – 60 % de défaillances pour 1.275 jugements. Le secteur des transports a également bien résisté avec un recul des défaillances de 62 %. L’industrie présente une baisse de 49 %, légèrement en-dessous de la tendance globale (53,3%). Le secteur du commerce compte pour sa part 1.289 jugements, soit un recul de 52 %. Les services aux entreprises voient le nombre de procédures baisser de 51 %. Les défaillances dans la restauration sont en baisse de 50 %.
Le nombre de défaillance est en baisse mais plus de 100.000 entreprises ont été largement fragilisés par la crise et disposent de moins de 30 jours de liquidité, contre 4 à 5 mois de liquidités en moyenne en temps normal. Une réserve bien fragile au regard d’un contexte de marché incertain. Thierry Millon précise : « Si la plupart de ces entreprises étaient déjà sous surveillance dès le début de la crise, d’autres – pourtant saines – ont rejoint la longue liste des structures qui peineraient à résister si les aides publiques venaient à manquer.»
Par Pauline Vigneron