La crise sanitaire actuelle a aussi des conséquences économiques qui impactent toutes les entreprises, quelle que soit leur taille : Grandes, petites ou moyennes. Se pose donc la question de l’enjeu de la taille dans la capacité à surmonter cette crise sans précédent. Tribune de Guillaume de Feydeau, manager de crise et Président d’Office Dépôt.
Si nous avons en France de très beaux Groupes, parfois leaders mondiaux dans leur domaine, et un maillage assez dense de PME, on parle peu du centre névralgique de notre tissu social-économique : l’ETI qui est le socle méconnu des enjeux économiques, de l’emploi et de la capacité à l’export.
Il s’agit donc de comprendre en quoi les ETI sont vitales pour réussir la sortie crise sanitaire et économique, et à quelles conditions.
Les Grands Groupes
Face à la crise, la plupart des Grands Groupes français, dont ceux côtés au CAC 40, n’ont pas besoin du soutien Etatique et le communiquent largement.
Force est de constater pourtant que certains d’entre eux sont des colosses aux pieds d’argile et que leurs besoins financiers se comptent alors en milliards d’euros (Air France, Renault…) ou en centaines de millions d’euros (Fnac-Darty…). Mais leur facilité à capter l’attention des media, des banques, du Gouvernement est telle que pour eux, rien d’impossible.
Si on reste légitimement fiers de ces grands Groupe et de leurs dirigeants, qui participent à l’effort de solidarité en diminuant leur rémunération, gelant des bonus, créant de fonds de solidarité, ou comblant le manque à gagner des employés en chômage partiel…, c’est déjà qu’ils peuvent se le permettre ; également ils emploient peu de salariés directement, en comparaison de leur forte notoriété.
Bien armés pour passer la crise, ils sont « too big to fail » et sauront dégager les ressources financières nécessaires.
Les PME, start-ups & Fintech
De l’autre côté du spectre, il y a les petites et moyennes entreprises, également les Fintech et l’ensemble des start-ups, qui par nature, sont fragiles et en même temps flexibles. Leurs enjeux doivent être analysés au cas par cas, et il faudra beaucoup de temps et d’énergie pour les aider toutes ; avec un potentiel économique sans doute moindre à terme.
Cette typologie d’entreprise sera sans nul doute et malheureusement durement impactée par la crise économique, car leurs charges fixes restent importantes, et les mesures de soutien financier ne sont pas illimitées.
Si ces entreprises pourront survivre à la crise, car « small is beautiful », ce sera au prix d’une grande flexibilité et de rapidité d’adaptation ; seul le temps leur permettra de s’en sortir de façon pérenne. C’est donc une course contre la montre que cette catégorie d’acteurs a engagée.
Les ETI
Ni grandes, ni moyenne ni petites, … sont les ETI c’est-à-dire les entreprise de taille intermédiaire… Pour rappel, une ETI emploie entre 250 et 4.999 salariés pour un chiffre d’affaires n’excédant pas 1,5 milliard d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 milliards d’euros. La définition est donc large et déjà compliquée…
Si on compare en Europe, il existe environ 5.500 ETI en France contre 8.000 en Italie (surtout le nord) ou au Royaume Uni, et 12.000 en Allemagne… Comme on sait, le PIB moyen par habitant, le niveau d’exportation et le taux de chômage sont des indicateurs de performance économique. L’analyse des données démontre que pour les quatre principaux pays Européen, plus il y a d’ETI, plus la richesse des pays est significative et plus le taux d’emploi moyen est élevé.
Regardons les ETI qui emploient plus de 1.000 salariés : elles ont la taille critique, le potentiel pour durer, se développer, exporter. Elles font travailler nombre de PME et l’impact sur l’emploi d’une ETI est un coefficient multiplicateur x2 par rapport à ses emplois directs.
La crise économique les impacte sur leurs fragilités : un modèle économique souvent unique (sans possibilité de compensation immédiat comme pour les Groupes ayant plusieurs activités), elles subissent les lourdeurs réglementaires et sociales (qui amènent des surcoûts par rapport aux PME, mais sans possibilité de mutualiser comme pour les Groupes), et parce qu’elles ont la taille critique, elles sont moins agiles qu’une PME.
Elles se trouvent donc au milieu du gué dans une sorte de zone grise alors qu’elles représentent un potentiel économique vital pour la relance économique de demain.
Par l’apologie du juste milieu, redonnons du sens à « aurea mediocritas », renforçons ces Entreprises de Taille Harmonieuse, rouages économiques indispensables entre les Grands Groupes internationaux et les PME locales.
Les ETI sont pourtant clés pour surmonter la crise et sont l’avenir du tissu industriel et d’emploi : avec leurs emplois directs, leur capacité à faire vivre un tissu social-économique plus large, leur participation aux impôts locaux, dans la reconversion des industries car si les donneurs d’ordre peuvent être les Groupes ce sont les ETI qui assurent la fabrication. Enfin ce sont bon nombre d’ETI qui assurent les livraisons aux salariés en confinement par leur expertise de la logistique du dernier kilomètre…
Pour surmonter la crise, les ETI ont des besoins qui se chiffrent le plus souvent à quelques dizaines de millions d’euros seulement. Mais si la crise impacte tout le monde, tout le monde ne se préoccupe pas assez des ETI …
Les ETI, avenir de la France industrielle qui gagne
Comme l’a proposé le Commissaire Européen Thierry Breton, nous devons réfléchir en filières économiques pour la France : aéronautique, automobile, informatique, santé, etc …et cela va dans le sens de l’Etat stratège.
Cette approche doit être complétée par des enjeux de taille, et la pérennité des filières dépend surtout des ETI, qui amènent le socle de la taille critique et de l’expertise, répartis sur plusieurs entreprises, pour inventer et réinventer les modèles économiques de demain.
Que celles-ci soient familiales, qu’elles disposent d’un fonds d’investissement à leur tour de table, ou de plusieurs actionnaires au sein de leur capital, les ETI sont un enjeu stratégique et financier capital pour l’avenir de notre pays, ainsi qu’un enjeu managérial et humain passionnant pour un dirigeant.
ETI : trouver un nouveau nom
Un dernier mot sur l’acronyme qui caractérise aujourd’hui les entreprises de cette taille, car il est essentiel d’envisager une dénomination claire en remplacement de « Entreprise de Taille Intermédiaire » qui ne se définit pas en soi, et reste entre deux mondes ; or personne n’a l’ambition d’être « intermédiaire » …
Un des sujets que pourrait porter le MEDEF lors de la prochaine LA REF, et plus largement l’Etat, serait justement de trouver un symbole fort qui soit porteur de toute l’ambition nécessaire au regard des enjeux qui attendent notre pays et la place centrale que devront occuper les ETI, stables, pérennes, d’avenir, avec un potentiel international, dans ce processus de reconstruction.
Par Guillaume de Feydeau