Le 21 Décembre 1934 le Tribunal de commerce de la Seine est amené à se prononcer sur le sort de Citroën. A l’issue d’une audience au cours de laquelle était attendu André Citroën qui s’est finalement fait représenter, le tribunal ouvre une procédure liquidative à l’égard de la marque aux chevrons. Difficile de croire que ce fleuron industriel français ait pu se retrouver dans une situation apparemment irrémédiablement compromise.
Et pourtant…la faillite de Citroën fut la conséquence de plusieurs événements et notamment du krach boursier de 1929 qui a largement ralenti le marché automobile. Malgré cette baisse d’activité, André Citroën a continué d’investir massivement. Il a reconstruit l’usine de Javel en 1933 pour 147 millions de francs en réponse à la construction de l’usine ultra moderne de Renault sur l’île Seguin quelques années auparavant. André Citroën a également investi d’importantes sommes pour le développement de la Traction, voiture révolutionnaire dont les ventes furent décevantes, malgré un bon démarrage, en raison, peut-être d’une précipitation dans sa commercialisation.
Acculé par ses difficultés, Citroën cherche du soutien auprès de ses fournisseurs et notamment Michelin qui s’intéresse de près au dossier. Il s’avère en effet que le Clermontois est titulaire d’une créance de 60 millions de francs qu’il ne souhaite pas perdre et craint par-dessus tout de voir disparaître un client important. Michelin souhaite également éviter que des fonds étrangers entrent au capital de Citroën et décident de changer de fournisseurs.
« Le Clermontois est titulaire d’une créance de 60 millions de francs qu’il ne souhaite pas perdre et craint par-dessus tout de voir disparaître un client important »
C’est dans ce contexte que le constructeur de pneus Clermontois devient de plus en plus influent chez Citroën et qu’il prendra même la majorité des voix au conseil d’administration en 1935. Dès lors, un plan de réorganisation drastique est lancé et de nombreuses dépenses jugées inutiles sont stoppées : Citroën va cesser l’illumination de la tour Eiffel et ordonnera la fermeture immédiate des succursales déficitaires, la cession des Taxis Citroën à Peugeot ainsi que la cession des assurances Citroën et de ses compagnies de bus. Le personnel ne fut pas épargné par cette cure d’amaigrissement et plus de 10.000 postes furent supprimés en 1934 et 1936.
Tout en réduisant la voilure, Citroën décide d’investir dans l’automatisation de sa production et réussit à réduire par deux le temps de production d’une traction. Sous l’impulsion de Michelin, elle rationnalise aussi les stocks pour réduire son besoin en fonds de roulement.
C’est ainsi que la restructuration et la réinvention du système de production de Citroën ont permis de réduire les coûts de production et d’augmenter les ventes. L’emblématique marque aux chevrons a pu se relever grâce principalement à l’intervention de son fournisseur Clermontois, sans l’intervention de qui la mythique DS n’aurait pas vu le jour quelques décennies plus tard …
Il ne date donc pas d’hier que les liens entre fournisseurs et clients sont complexes mais également interdépendants de sorte que les destins de ces derniers sont souvent liés.
Par Cyprien de Girval