Par un arrêt en date du 13 janvier 2021, la Cour d’appel de Toulouse a tranché le sort du groupe BVA. Depuis l’appel interjeté par le Ministère Public le 15 septembre dernier, l’avenir du groupe BVA était incertain. Le suspense est enfin levé, l’offre soutenue par les salariés français retenue.
Fondé en 1970, le groupe BVA est un groupe d’études marketing, d’opinion et de conseil, expert en sciences comportementales. Après avoir exercé son activité exclusivement en France pendant plus de trente ans, le groupe BVA a développé son activité sur le plan international et fait désormais partie des vingt premiers acteurs du secteur au niveau mondial. Il s’agit également du troisième institut de sondage français. Le groupe BVA dénombre environ 1.100 collaborateurs dans le monde, dont plus de 600 salariés permanents sur le territoire français. Il fait également appel chaque année à plusieurs centaines d’enquêteurs vacataires. En 2019, le groupe BVA a réalisé un chiffre d’affaires mondial de plus de 201 millions d’euros, dont environ 134 millions d’euros en France.
Affaiblie par la crise sanitaire et, d’après le directeur général Pascal Gaudin dans un communiqué de l’AFP, à défaut d’accord de son principal créancier obligataire, Alcentra, d’élargir les autorisations d’endettement pour pouvoir souscrire un PGE et face au risque de l’appréhension par ce créancier des titres des filiales américaines du groupe, BVA a déposé une déclaration de cessation des paiements le 29 mai 2020. Par jugements du 5 juin 2020, le Tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit des sociétés du groupe BVA (SAS BVA, SAS Axiom, SAS Hermione et SAS IVH) et a désigné l’étude CBF et Associés (Christian Caviglioli et Lou Fléchard) ès qualités d’administrateurs judiciaires, ainsi que les études Dutot et Associés (Julien Payen) et Benoit et Associés (Béatrice Amizet) ès qualités de mandataires judiciaires.
Par un jugement en date du 15 septembre 2020, le Tribunal a relevé l’absence de possibilité d’établir un plan de redressement, faute d’accord entre les dirigeants, l’actionnaire majoritaire du groupe BVA, Naxicap, et le créancier obligataire Alcentra. Par conséquent, les quatre offres de reprise respectivement présentées par M. Ginisty et Hivest Capital, la société XPage, qui regroupait les fondateurs, managers et actionnaires actuels du groupe BVA, la société International Institute for Market Research et la société CEDL I, véhicule du créancier Alcentra, ont été examinées. Le Tribunal s’est prononcé en faveur de l’offre du créancier obligataire qui n’emportait pas l’adhésion des salariés.
Toutefois, l’institut de sondage BVA est retourné au point de départ quand le Ministère Public et les sociétés débitrices ont interjeté appel de ce jugement. Selon le communiqué adressé à l’AFP, ces recours visaient notamment à ce que soient étudiées les conséquences immédiates et à long terme de la reprise par la société CEDL I, et en particulier la situation des salariés. En effet, seule l’offre de reprise présentée par la société XPage avait le soutien des salariés et garantissait la préservation de tous les emplois.
Des quatre offres de reprise présentées devant le Tribunal de commerce, seules deux ont subsisté devant la Cour d’appel à savoir celle de la société CEDL I (cessionnaire initialement retenu) et celle de la société XPage ayant amélioré son offre.
La Cour d’appel de Toulouse, par un arrêt en date du 13 janvier 2021, s’est prononcée après examen des deux offres subsistantes. La Cour d’appel de Toulouse a estimé que l’offre de la société XPage rentrait dans les critères dérogatoires prévus par l’article L.642-3 du Code de commerce qui visent à permettre la reprise en plan de cession par les dirigeants du groupe, compte tenu du fait que « ces dirigeants peuvent faire valoir un professionnalisme reconnu dans des activités spécifiques et sensibles que constituent, notamment, les activités de sondages d’opinion ».
Son choix s’est ainsi porté sur l’offre de reprise présentée par la société XPage pour plusieurs raisons. D’une part, l’adhésion des salariés au plan de cession a été déterminante. Le représentant des salariés (M. Briey) qui s’est exprimé devant la Cour avait expliqué que la société XPage était plus à même de respecter la spécificité du groupe ainsi que son savoir-faire, comptant parmi ses associés des acteurs historiques et clés du groupe BVA. A contrario, les salariés craignaient que la société CEDL I, société de droit anglo-saxon, délocalise des sites et partant, dilue et amoindrisse l’esprit de l’entreprise et de « l’identité BVA ». D’autre part, sur le plan financier et toujours selon la Cour d’appel de Toulouse, l’offre soumise par la société XPage était meilleure en termes de prix de cession des actifs et donc plus favorable au désintéressement des créanciers, la Cour ayant considéré qu’il ne fallait pas tenir compte du retrait de leur déclaration de créances par les obligataires appartenant au même groupe que CEDL.
Dans ces conditions, la Cour d’appel de Toulouse a déclaré recevable l’appel des sociétés débitrices, infirmé le jugement rendu par le Tribunal de commerce et arrêté le plan de cession du groupe BVA au profit de la société XPage. La date d’entrée en jouissance du cessionnaire a été fixée au jour même, soit le 13 janvier 2021. Le Groupe BVA a cependant perdu sa filiale américaine en juillet 2020 après l’exercice par Alcentra des sûretés dont il bénéficiait. Cette filiale américaine constituait un actif essentiel du groupe sous l’égide d’une direction indépendante des dirigeants de la société XPage, et a montré une certaine résilience face à la pandémie.
Le créancier obligataire Alcentra n’aura donc pas réussit à s’imposer comme le repreneur du groupe. Alcentra examine cependant toutes les voies de recours au sujet de la décision de la Cour d’appel de Toulouse.
CBF et Associés (Christian Caviglioli et Lou Fléchard) est intervenue en tant qu’administrateur judiciaire et Dutot et Associés (Julien Payen) et Benoit et Associés (Béatrice Amizet) sont intervenues en tant que mandataires judiciaires.
Le groupe BVA était conseillé par le cabinet Vivien & Associés (Laurent Assaya, Laure Géniteau et Elsa Decourt en restructuring ; Judith Fargeot et Lisa Becker en corporate ; Marie-Emilie Rousseau-Brunel et Christophe Cavalo en social ; Marie Pelletier-Capes en tax) et par le cabinet JURID’OC (Bernard De Lamy), par 8 Advisory (Cédric Bodard et Bilel Djemmali) et la banque Hottinguer (Arnaud Bochet, Philippe Bassouls et Djilali Djilali Bou-Abdallah).
Alcentra et CEDL I étaient conseillées par Latham & Watkins (Hervé Diogo Amengual et Eeva Bernard en restructuring ; Myria Saarinen et Charlotte Guérin en contentieux ; Charles-Antoine Guelluy, Thibault Burnier, Ornella Capillon, Léa Margono et Delphine van Damme en corporate ; Matthias Rubner et Jad Clam en droit social ; Michel Houdayer et Aurélien Lorenzi en financement ; Jacques-Philippe Gunther, Laure Maes et John Wileur en concurrence ; Xavier Renard et Alexis Caminel en droit fiscal).
Naxicap était conseillé par le cabinet Archers (Fabrice Patrizio, Claire Gamain et Grégoire Verchin).
XPage était conseillée par le cabinet Coteg & Azam (Guillaume Boyer) et Advancy (Eric de Bettignies).
Les administrateurs judiciaires étaient conseillés par Weil Gotshal & Managers (Jean Dominique Daudier de Cassini, Laura Bavoux et Sylvain Bouctot).
Les mandataires judiciaires étaient conseillés par Fidal Toulouse (Olivier Richard et Mathieu Aurignac).
Ginisty et Hivest Capital étaient conseillés par le cabinet Poulain & Associés (Jean-Paul Poulain et Guillaume Petit).
Les instituts de sondage IFOP et AplusA ainsi que le fonds Dentressangle étaient conseillées par le cabinet De Gaulle Fleurance & Associés (Julien de Michèle, Déborah David et Anne-Sophie Leclerc en restructuring ; Matthieu Bichon et Côme Deliry en corporate ; Tiphaine Gaubert en droit social ; Thierry Titone et Roxanne Chanalet-Quercy en antitrust ; Matthieu Dary en compliance/RGPD).
Par Caroline de Bonville