Le 8 mars 2021, le Premier ministre a confié à René Ricol une mission sur l’articulation entre le régime de garantie des salaires (AGS) et les auxiliaires de justice (administrateurs et surtout mandataires judiciaires) dans le cadre des procédures collectives.
Au cours de ces derniers mois, des incompréhensions se sont manifestées entre l’AGS et les professionnels des procédures collectives. Des désaccords ont été exprimés dans le cadre de la consultation publique sur la transposition à venir de la directive européenne « restructuration et insolvabilité » ouverte par le Gouvernement, notamment à propos de l’ordre des privilèges des créanciers. En effet, dans le cadre du projet d’ordonnance souhaité par le gouvernement, il était question de consacrer une pratique concernant le paiement par priorité des frais de justice et notamment du liquidateur dans le contexte d’une procédure de liquidation judiciaire.
Ce projet d’ordonnance qui émeut s’inscrit dans un contexte délicat entre l’AGS et les administrateurs et mandataires judiciaires. Ce dernier ne semble toutefois pas bouleverser les équilibres en place jusqu’ici et ne dé grade pas les droits de l’AGS qui conserve son superprivilège, devant tous les autres créanciers. Il s’agit simplement de consacrer un principe de règlement des honoraires du professionnel en dehors de l’enveloppe générale de répartition qui, sinon, ne sera jamais rémunéré. Le liquidateur judiciaire n’est en effet pas à proprement parler un créancier de l’entreprise puisqu’il est l’organe chargé justement d’organiser le règlement de ceux-ci. Pour Serge Préville, administrateur judiciaire, les auxiliaires de justice et l’AGS travaillent main dans la main dans les procédures. Il précise même que chaque fois que cela est possible les mandataires judiciaires agissent dans l’intérêt de l’AGS qui constitue un pivot de notre droit des faillites. Il est donc urgent de retrouver un bon niveau de dialogue et d’apprécier ce projet de réforme avec l’esprit de partenariat qui doit présider à ce stade, puisque celui-ci ne fait que clarifier les textes sans en modifier profondément le fonctionnement.
À ce titre, Christophe Basse, président du conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires souligne, dans le cadre d’une interview pour BFM business, que « les salariés ont toujours été payés en priorité. Les salariés seront toujours payés en priorité demain, cela ne changera rien ». Nous comprenons simplement que pour mettre en place l’ensemble des diligences liées à la liquidation d’une entreprise (recouvrement du compte clients, suivi des litiges et procès en cours, enregistrement et vérification des dettes, détermination des droits de chaque créancier, etc), il faut bien qu’un liquidateur existe et puisse être rémunéré pour cela. C’est ainsi que l’AGS pourra faire valoir et être réglé lorsque cela sera possible de ses avances prioritaires, dites « superpriviégiées ».
Néanmoins et d’autant plus à l’heure actuelle, compte tenu du contexte sanitaire et économique, la coopération entre ces acteurs institutionnels des procédure collectives est indispensable. En effet, l’efficacité des procédures collectives repose sur l’action structurée des représentants de l’entreprise, ses différents créanciers et les administrateurs et mandataires judicaires, sous l’autorité des tribunaux.
Les administrateurs et mandataires exercent des fonctions clefs dans la conduite des différentes procédures collectives, parfois de grande taille mais dans la plupart des cas de très petites entreprises (0 ou 1 salarié). Concernant le régime de garantie des salaires en France, il est l’un des plus protecteurs en Europe. L’AGS est chargée d’intervenir en garantie du paiement diligent des salaires et des droits des salariés, dans le cadre des procédures de sauvegarde, et surtout de redressement et liquidation judiciaire. L’AGS est donc un élément essentiel de l’organisation des procédures françaises auquel le gouvernement est très attaché. Serge Préville précise que l’AGS est en effet un tiers payeur indispensable dans les procédures collectives, qui seul permet de maintenir la pérennité de notre système, qui permet d’apporter une solution à la défaillance de l’employeur.
Suite aux incompréhensions et désaccords entre ces acteurs incontournables des procédures collectives, le Premier ministre a décidé de confier une mission à René Ricol, expert financier. Il est notamment l’ancien président de l’ordre des experts-comptables, l’ancien président de la compagnie nationale des Commissaires aux comptes et l’ancien Commissaire général à l’investissement.
René Ricol sera chargé de partager un diagnostic objectif avec toutes les parties prenantes concernées ainsi que d’émettre des propositions d’ordre législatif, règlementaire ou organisationnel dans le but de garantir un fonctionnement efficace des procédures collectives tout en maintenant le haut niveau de protection des salariés existant actuellement. L’efficacité du droit des procédures collectives français repose en effet sur une coopération renouvelée entre ces acteurs institutionnels.
Le conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires salue la nomination de René Ricol, indique Serge Préville. Ce dernier prendra connaissance des enjeux de sa mission ainsi que des aspects beaucoup plus techniques que politiques de ce sujet. « Il s’agit d’une belle occasion de rapprocher l’AGS et les administrateurs et mandataires judiciaires » soulige Serge Préville.
Les conclusions de la mission menée par René Ricol sont attendues pour mi-avril.
Par Caroline de Bonville