Mayday a rencontré Patrick Puy, Manager de Crise et Président de Vivarte, qui interviendra au Mayday Morning du 24 mai prochain organisé en partenariat avec la Banque Thémis, Weil Gotshal & Manges, Corpcom et Eight Advisory. L’occasion d’évoquer avec lui le thème de l’évènement « la sécurisation des opérations de restructuration » et d’introduire son intervention.
Mayday : Vous êtes manager de crise, pourriez-vous revenir sur les principales zones de risque lorsqu’on dirige une entreprise en difficulté ? Plus largement quel rôle peut jouer le chef d’entreprise dans la sécurisation des opérations de restructuration ?
Patrick Puy : En réalité, j’aurai l’occasion de le rappeler le 24 mai prochain, à mon sens les risques juridiques qui pèsent sur le chef d’entreprise, lorsque c’est un professionnel de la restructuration, sont assez faibles. Le principal risque est celui d’échouer. De ce point de vue, il y a trois raisons qui causent l’échec d’une restructuration : lorsqu’on intervient trop tard, telles que ce fut le cas dans le dossier Vogica, lorsqu’il n’y a pas de fort consensus sur le diagnostic comme dans le dossier Vogica toujours ou encore Moulinex et enfin lorsqu’on intervient sur une technologie totalement dépassée, ce qui est le cas par exemple du papier en ce moment avec le dossier Arjowiggins. Il y a des ruptures technologiques qui font que cela échoue et il faut savoir ne pas faire d’acharnement thérapeutique.
Mayday : Lorsqu’on a évité ces trois causes d’échec, y a-t-il d’autres risques à identifier notamment dans le cadre de l’exécution du plan de retournement ?
PP : Pour prêcher pour ma paroisse, d’abord, on va les minimiser si on fait appel aux professionnels de qualité. Les vrais risques d’exploitation apparaissent lorsqu’il y a des interventions exogènes d’ordre politique, syndicale ou bancaire par exemple. Les freins à l’exécution d’un plan peuvent également venir de l’actionnaire ou encore du management. A chaque fois, il faut une réaction différente, il faut faire face à des actionnaires récalcitrants et il faut négocier avec les syndicats et les banquiers. Généralement on y arrive assez bien, surtout avec le concours des pouvoirs publics. Concernant le management, s’il s’oppose à une restructuration, il faut s’en séparer immédiatement. La vraie difficulté est la gestion des hommes et femmes politiques qui est souvent périlleuse.
J’aurai l’occasion de revenir sur la déroute de Moulinex par exemple pour laquelle les politiques ont une responsabilité très forte. A nouveau, il faut savoir s’y opposer et pour cela, il faut être totalement indépendant.
Mayday : Les restructurations que vous évoquez consistent souvent à prendre des décisions difficiles. Cela peut expliquer le refus des politiques de les voir appliquer. Considérez-vous qu’il faille rechercher le point d’équilibre ou au contraire, préconiser une restructuration lourde ?
PP : Très clairement, j’aurai plaisir à expliquer pourquoi il faut aller au bout d’une restructuration, même si la pression politique s’y oppose. Il ne faut pas arrondir les angles. Il faut au contraire mettre en exergue les problèmes et aller au fond des choses. La mise en œuvre d’une opération de restructuration est l’occasion unique de rabattre les cartes même si malheureusement il peut y avoir des conservatismes qui vous empêchent d’avancer.
Aussi, lors de la conférence, je souhaiterais évoquer le dossier Vilvorde qui a échoué pour cela, le dossier Doux qui n’a pas échoué mais qui est revenu, ainsi que le dossier Arc International où, sous la pression des politiques, nous n’avions pas pu aller au bout de la restructuration et qui a également refait surface. Vous verrez qu’à chaque fois ces échecs sont liés à la faiblesse des restructurations et non aux risques juridiques ou aux outils et moyens qui ont été mis en œuvre pour élaborer la restructuration.
Propos recueillis par Cyprien de Girval