Mayday a rencontré Ludovic Bréant, serial entrepreneur et auteur du livre « J’ai perdu 40 millions d’euros et j’ai découvert une vie pleine de sens » dans lequel il revient sur le dépôt de bilan qu’il a vécu après avoir fait passer son groupe de 0 à 90 millions d’euros de chiffre d’affaires en cinq ans. Il revient pour Mayday sur les aspects humains de cette épreuve et ce qu’il a su en tirer de positif pour pouvoir avancer. Une invitation à l’action pour chacun d’entre nous.
Mayday : Mayday Mag s’adresse à des entrepreneurs qui peuvent être confrontés à des difficultés au sein de leur entreprise, qu’auriez-vous envie de leur dire ?
Ludovic Bréant : Qu’il est normal de traverser des difficultés et de vivre des crises et que l’on peut en tirer du positif. C’est en tout cas le message que j’ai compris après 2 ans d’introspection à la suite de mon dépôt de bilan.
Lorsque l’on est au fond du trou, il est toujours très difficile d’être réceptif à ce qui se passe autour de nous, aux conseils que les autres nous donnent. Il faut pourtant prendre ce recul nécessaire et ne pas se replier sur soi ni rester dans le déni.
Mayday : En 2011, après une croissance fulgurante, votre groupe traverse des difficultés qui le conduisent au dépôt de bilan. Avez-vous identifié les causes de ce dépôt de bilan ?
LB : Il y a une cause conjoncturelle évidemment, que l’on ne peut nier et qui est la crise des subprimes qui a fait déraper notre activité Bois et entraîné une chute de 50% du chiffre d’affaires.
Et puis il y a à mon sens la vraie raison, celle que j’ai comprise après ce long travail d’introspection : je n’étais pas à la bonne place. J’ai notamment compris que je n’avais pas entrepris pour les bonnes raisons. Il y avait en moi un esprit de revanche, j’entreprenais en me souciant davantage du regard des autres que de moi-même avec une véritable boulimie d’entreprendre et de grossir.
Mayday : Comment avez-vous géré cette épreuve qui impacte l’ensemble des parties prenantes d’une entreprises et notamment les salariés ?
LB : Pendant 20 ans, j’ai enchaîné les succès et j’étais grisé par l’envie de nouveaux challenges. Je ne connaissais pas la gestion d’une crise. J’ai tardé à réagir parce que j’étais certain que nous allions remonter la pente. Pendant de long mois, j’ai vécu dans le déni, en injectant régulièrement une grosse partie de mon patrimoine personnel pour tenter de sauver l’entreprise.
Après un an, j’ai pris la décision de m’entourer d’un manager de crise. Avec les principaux cadres de l’entreprise qui avaient décidés de rester dans le navire, nous avons construit un plan d’actions et faisions le point chaque matin.
Malheureusement le mal était trop profond, après un plan de sauvegarde, un redressement judiciaire et une liquidation, nous n’avons pas réussi à redresser le navire et avons déposé le bilan. Je l’ai vécu comme une honte.
La majorité de nos activités a été reprises avec nos salariés.
« La bonne solution consiste à regarder l’épreuve en face, à l’affronter pleinement et à l’accepter »
Mayday : Dans votre livre, vous expliquez comment cet échec vous a permis de renaître grâce au développement personnel, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
LB : Je parlerai plutôt d’épreuve que d’échec. Une épreuve qui permet de se remettre en question et de voir le positif.
Lorsque vous traversez une épreuve, vous avez plusieurs solutions : la première consiste à repartir de plus belle sans vous arrêter, dans la force. La seconde consiste à regarder cette épreuve en face, à l’affronter pleinement et à l’accepter.
Après mon dépôt de bilan, j’ai décidé de me lancer dans une phase d’introspection qui m’a permis d’aller chercher des réponses au plus profond de moi-même. Passionné par le développement personnel, j’ai beaucoup lu sur le sujet. Je me suis intéressé à la psychologie, à la pensée positive, à la PNL (programmation neuro linguistique). J’ai me suis entouré de thérapeutes, de sages, d’enseignants spirituels pour comprendre comment fonctionne l’être humain et mieux me connaître.
J’ai compris que nous avions les réponses à nos questions en nous-même et tout cela m’a permis de repartir et de vivre une vie complètement différente.
De façon générale, je crois que beaucoup de choses dépendent de son épanouissement personnel. Un entrepreneur qui prend le temps d’être à l’écoute, d’observer, de comprendre, est un entrepreneur qui se donne les moyens de bien faire.
« Le lâcher prise vous ouvre le champ des possibles, vous êtes alors en mesure de vous transformer. Et pour éviter un dépôt de bilan, il faut être en mesure de se transformer et de transformer son entreprise. »
Mayday : Quelle est selon-vous la bonne recette, les clés pour traverser ce type d’épreuve ?
LB : Après mon dépôt de bilan, j’ai décidé de changer de vie. Le premier changement a été géographique, nous sommes allés nous installer au Pays Basque avec ma femme et mes enfants, une bonne opportunité de repartir de zéro. Je me suis rapproché de la nature et de l’essentiel.
Sur le plan professionnel, j’ai fait le choix de ne plus travailler dans la force et de prendre le temps de méditer, de me recentrer sur l’essentiel, de ralentir pour intégrer ce qu’il se passe autour de moi. Je fais ce qui est bon pour moi.
J’ai fait l’erreur de privilégier un développement trop rapide, mal maîtrisé, dans une quête du « toujours plus ». J’étais dans une course à la performance qui me procurait beaucoup d’adrénaline et je me projetais toujours dans l’avenir à tel point que je ne savais pas savourer l’instant et que le stress me rongeait de l’intérieur.
« Allez chercher votre projet de vie, découvrez votre mission et développez votre épanouissement personnel. Vous entreprendrez d’autant mieux »
Mayday : Sur le plan personnel, pensez-vous qu’il soit possible d’anticiper une crise ? Y-a-t-il des signaux ?
LB : Oui bien sûr, il y a des signaux, des alertes, toute la question est d’être en mesure de les percevoir.
Ces signaux, ce sont d’abord ceux de son corps qui nous dit plein de choses. Par exemple, alors que je nageais dans le bassin d’Arcachon, j’ai été aspiré par des baïnes. Comme j’étais à quelques mètres du bord, j’ai nagé de toutes mes forces jusqu’à l’épuisement. J’ai failli me noyer. Une fois sorti de l’hôpital, un ami m’a dit : « Ludovic, il aurait suffi de te laisser porter par le courant ».
Je voulais résister, encore une fois maîtriser alors qu’il faut savoir lâcher prise et ne pas vouloir être dans la force, ne pas vouloir changer la réalité.
Cet état d’esprit vous ouvre le champ des possibles, vous êtes alors en mesure de vous transformer. Et pour éviter un dépôt de bilan, il faut être en mesure de se transformer et de transformer son entreprise.
Mayday : Si vous n’aviez qu’un conseil à donner aux entrepreneurs ?
LB : Allez chercher votre projet de vie, découvrez votre mission et développez votre épanouissement personnel. Vous entreprendrez d’autant mieux.
Pour vous y aider, posez-vous la question : « Qu’est-ce que je ferais si j’avais 1 milliard d’euros à ma disposition demain ? » Cette question ouvre le champ des possibles et permet de revenir à ses rêves d’enfant.
Qu’est-ce qui fait que je me lève le matin avec les yeux qui brillent et que je ne vois pas le temps passer ?
Si une difficulté se présente, observez-là, prenez-là en compte et entreprenez différemment. La solution n’est pas forcément la plus compliquée.
Propos recueillis par Bastien de Breuvand
Ludovic Bréant est un serial entrepreneur qui a créé ou repris une centaine d’entreprises pendant 25 ans. Il met son expérience entrepreneurial et sa passion pour le développement personnel au service des entrepreneurs qui souhaitent trouver leur chemin via ses blogs, ses conférences et une forte présence sur les réseaux sociaux, notamment via Facebook et Youtube.