Mayday a échangé avec Luc David président de la société DGM Finance, qui propose un mode alternatif de financement des entreprises en rachetant leur portefeuille de créances 1% construction versées sous forme de prêt à 20 ans. L’occasion de l’interroger sur cette solution de financement que DGM Finance met à la disposition des entreprises.
Mayday : Pourriez-vous nous rappeler ce qu’est la contribution obligatoire du 1% construction, qui en est redevable et comment est-elle collectée ?
Luc David : Toute entreprise française, quel que soit sa forme ou son secteur d’activité, dès lors qu’elle emploie plus de 50 salariés (jusqu’au 1er janvier 2020, le nombre minimum de salarié était de 20), est tenue de verser annuellement une contribution obligatoire auprès d’un organisme collecteur, s’élevant à 0,45% de la masse salariale brute. Il n’existe aujourd’hui plus qu’un seul organisme collecteur national (avec des délégations régionales) appelé Action Logement Service (« ALS »). Avec les fonds collectés, ALS peut soit construire des logements qui seront proposés aux salariés des entreprises, soit accorder aux salariés de celles-ci un prêt leur permettant d’accéder à la propriété.
La créance de 1% construction peut prendre deux formes :
- une subvention : les sommes versées à l’organisme collecteur par l’entreprise au titre du 1% construction donneront droit à déduction d’impôt ;
- un prêt à 20 ans : l’entreprise verse annuellement pendant 20 ans la contribution 1% construction à l’organisme collecteur qui lui sera intégralement remboursée sur 20 ans à l’issue du délai de cotisation. Il est précisé que ce remboursement sur 20 ans n’est pas productif d’intérêts.
A titre d’exemple, une entreprise qui a opté dès l’an 2000 (année N) pour un versement sous forme de prêt et qui a versé de manière linéaire 10.000 euros par an au cours des 20 dernières années a ainsi agrégé la somme totale remboursable de 200.000 euros. Cette somme est inscrite à l’actif de son bilan. A partir du 31 décembre 2020, l’organisme collecteur devra, à la demande de l’entreprise, rembourser les 200.000 euros par tranche de 10.000 euros sur 20 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2039 (année N+20).
Parmi les entreprises éligibles au paiement de la contribution du 1% construction, seules environ 10 % d’entre elles, versent cette contribution sous forme de prêt. Cela s’explique avant tout par le fait qu’avant le terme des 20 ans de cotisation, l’entreprise contributrice ne peut prétendre à un quelconque remboursement, à moins qu’elle ne soit en procédure collective. Dans ce cas-là, l’entreprise pourrait, en théorie, se rapprocher de l’organisme collecteur pour négocier un remboursement anticipé des sommes versées.
Mayday : Quelle solution de financement propose DGM Finance ?
Luc David : Dès 2005 j’ai créé le premier Fonds dédié au financement de ces créances. La société DGM Finance, que j’ai fondé en 2002, est l’agent et gestionnaire de celui-ci. Il s’agit d’un Fonds Commun de Titrisation hébergé par une société de gestion habilitée par l’AMF. L’opération proposée est proche de l’affacturage mais porte sur des créances de nature différente.
La créance de 1% construction ne pouvant être soldée qu’à l’issue d’un délai de 20 ans, la société, en cédant sa créance, pourrait ainsi obtenir immédiatement les liquidités dont elle a besoin.
Mayday : En pratique, une société en pré-difficulté ou en procédure collective vient vous voir en vous disant « j’ai 200.000 euros de 1% construction à l’actif de mon bilan », que lui proposez-vous ?
Luc David : Si je reprends l’exemple du début, sur un portefeuille de créances 1% construction d’un montant de 200.000 euros, DGM Finance propose pour le compte du Fonds, de le racheter, moyennant une actualisation, payable immédiatement. Une fois la transaction finalisée, le Fonds se verra transférer la propriété de la créance et à partir du 31 décembre 2020, recevra tous les ans 10.000 euros et ce jusqu’au 31 décembre 2039. A partir de cette opération, le Fonds est propriétaire du portefeuille cédé. Chaque année, DGM Finance endossera sa casquette de recouvreur et se rapprochera d’ALS pour récupérer les sommes qui sont dues au Fonds, en lieu et place de la société qui lui a vendu son portefeuille.
Mayday : Concrètement, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, si le liquidateur s’aperçoit que le débiteur dispose d’une créance de 1% construction non soldée, que doit-il faire ?
Luc David : Nous appeler, bien évidemment ! Plus sérieusement, l’entreprise dispose d’un délai de 5 ans pour demander le remboursement des sommes versées au titre du 1% construction. Au terme de ces 5 ans, les sommes retombent dans l’escarcelle de l’organisme collecteur. Or, il devient de plus en plus compliqué pour les professionnels de l’insolvabilité de négocier un remboursement anticipé de cette créance (même avec une décote) auprès de l’organisme collecteur. Le 1% construction étant un actif dormant, il n’est souvent pas la priorité de ces professionnels qui doivent déjà gérer un nombre considérable d’autres actifs souvent bien plus liquides. Dans la majorité des cas, la créance de 1% construction est abandonnée à la clôture de la liquidation, même si elle est inscrite au bilan. Elle est souvent passée par pertes et profits.
Mayday : Vous avez–évoqué le cas des sociétés en procédure collective, mais peut-on envisager de céder son portefeuille de créance 1% lorsqu’on est in bonis ?
Luc David : Lorsque la société est in bonis et qu’elle dispose librement de ses actifs, elle peut en principe céder sa créance de 1% construction à qui elle le souhaite et à n’importe quel moment (même avant le terme des 20 ans de contribution). En pratique, cela s’avère bien plus complexe, car si la société in bonis décide de céder sa créance, le produit de la cession devra impérativement être réinvesti au profit de l’organisme collecteur. Je reprends ici l’exemple du portefeuille de créances 1% construction de 200.000 euros : si un cessionnaire envisage de racheter celui-ci et que la société accepte l’offre, elle aura l’obligation de reverser l’intégralité de cette somme à Action Logement Service.. En plus des 200.000 euros déjà collectés auprès de la société, ALS récupérerait également le fruit de la cession. La société n’a donc aucun intérêt à céder sa créance.
J’ai donc essayé de trouver une solution de financement pour les sociétés in bonis, qui représentent une masse de dossiers bien plus conséquente que les entreprises en procédure collective. Les entreprises et les professionnels de l’insolvabilité m’avaient d’ailleurs sollicité à plusieurs reprises pour financer des sociétés hors procédure collective, dans le cadre de procédures préventives. Je leur devais un résultat.
C’est donc fort de ce constat, qu’en 2017, j’ai noué un nouveau partenariat et levé 115 millions d’euros afin de financer les entreprises in bonis et non plus seulement racheter les portefeuilles de créance de 1% construction pour les entreprises en difficulté. Disposant des fonds nécessaires, il s’agissait de trouver une solution pour permettre à l’entreprise in bonis de conserver le montant du prix de cession de créances. J’ai donc mis en place le montage suivant : la banque verse à l’entreprise la somme correspondant au montant du prix de cession, sous forme de prêt et constituera une garantie sur le portefeuille de créance 1% construction. Par cette opération, la banque devient titulaire du portefeuille de créance 1% construction et en tant qu’établissement bancaire, elle possède la faculté de disposer librement de ce flux monétaire. Ainsi, au lendemain de l’opération avec la société, la banque cèdera la créance au Fonds Commun de Titrisation dont DGM Finance est l’agent. Le Fonds deviendra alors le titulaire exclusif de la créance et récupérera les annuités auprès de l’organisme collecteur aux échéances contractuelles.
Grace à ce montage, nous sommes donc désormais en mesure de financer la trésorerie des entreprises de tous secteurs, qu’elle soit in bonis ou en procédure collective, dès lors qu’elles disposent d’un portefeuille de créances 1% versées sous forme de prêt à 20 ans. Les chiffres sont éloquents : Sur 2 ans, près de 50% des fonds levés ont été réintroduits dans l’économie. Le flux d’offres de la période en cours (soit du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2039) représente 62 millions d’euros dont 48 millions d’euros correspondent à des offres formulées à des sociétés in bonis. Avant 2017, l’intégralité de l’activité de DGM Finance portait sur des sociétés en procédure collective. Même si je suis encore, dans la tête de beaucoup de personnes, le spécialiste de la procédure collective liquidative, je suis fier de constater le chemin parcouru dans le financement des sociétés in bonis par le biais du 1% construction. Il est d’ailleurs fort à parier que les fonds levés restant à investir dans l’achat de portefeuille de créance 1% construction, iront majoritairement à destination des sociétés in bonis.
Mayday : DGM Finance est-il le seul acteur du marché du financement du 1% construction ?
Luc David : Oui, en ce qui concerne le in bonis, et non, DGM Finance n’est pas le seul acteur sur ce marché dans le cadre des procédures collectives liquidatives. Bien que nous détenions la plus grande des parts de ce marché, il existe des sociétés qui interviennent auprès des praticiens.
Par Pauline Vigneron