Le 30 septembre 1797, Dominique Ramel, ministre des Finances du Directoire, ferme le marché des titres publics et fait voter une loi annulant les deux tiers de la dette publique. Le tiers consolidé est donc le nom donné à la dette publique dont le remboursement du tiers seul était garanti. Cette opération qui signifiait, en réalité, le défaut de l’État pour la plus grande part de ses créances est aussi appelée la banqueroute des deux tiers.
A cette époque, la France est endettée à hauteur de 4 milliards de francs, soit nettement plus qu’en septembre 1715 : c’est un record. Par ailleurs, le pays connaît une phase d’hyperinflation, et la loi de Gresham fait que les assignats, monnaie de papier ayant cours forcé (c’est à dire ne nécessitant pas que la monnaie de papier soit échangée contre du métal précieux), se dévaluent en termes de pouvoir d’achat.
Par cette opération décidée par le Directoire, les créances sur l’État, c’est à dire les emprunts et titres obligataires, et les rentes sont remboursées à concurrence des deux tiers de leur capital en bons du Trésor national admis en paiement des impôts ou de biens nationaux. Le tiers restant est inscrit au grand livre de la dette publique et les intérêts sont payés également en bons du Trésor.
Dominique Ramel déclara : « J’efface les conséquences des erreurs du passé pour donner à l’État les moyens de son avenir », mais créa immédiatement après l’impôt sur les portes et fenêtres.
Jugées « ruineuses, impolitiques, immorales » par Cambon (négociant en toiles et député de l’Hérault à la Convention nationale), les rentes viagères ont fortement contribué à la faillite des deux tiers. Plusieurs fois ministre des Finances, Jacques Necker en avait émis pour des montants considérables à des taux d’intérêts élevés et à des fins spéculatives.
Bien qu’ils y aient participé, la bourse et les jeux spéculatifs ne sont pas la cause principale et première de l’endettement de la France au XVIIIe siècle. La guerre et ses dépenses et donc les emprunts extraordinaires qu’elles impliquent ont eu des effets bien plus dévastateurs …
Dans l’histoire, il n’est pas si rare que les souverains annulent tout ou partie de leur dette par voie d’autorité. Parfois, ils la réduisent plus subrepticement en dévaluant la monnaie, en gonflant la masse monétaire et en faisant monter les prix.
À chaque fois, la confiance des créanciers s’érodait mais le temps faisait son œuvre et, une fois remis de leur spoliation, ils revenaient vers le souverain pour lui proposer de nouveaux prêts …
Sur un plan financier, la banqueroute des deux tiers a atteint son objectif. Elle a assainit le budget de l’État mais celui-ci, ayant ruiné son capital confiance, devra attendre la chute de Napoléon 1er pour pouvoir de nouveau lever un grand emprunt auprès des français.
Depuis lors, le gouvernement français n’a jamais renoué avec la banqueroute. Cependant, il s’est toujours habilement arrangé pour dissoudre la dette en laissant filer l’inflation (tandis que les prix et les revenus augmentent, les versements d’intérêts restent fixes et, donc, se déprécient). C’est l’inflation qui a permis d’effacer la facture de la Première puis de la Seconde Guerre mondiale.
Par Cyprien de Girval