Le vendredi 19 février 2021, la mission « Justice Économique » présidée par Georges Richelme a remis son rapport au Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Les objectifs de cette mission étaient la promotion des procédures préventives ainsi que l’accompagnement des entrepreneurs individuels, exploitants agricoles et dirigeants d’entreprises en difficulté.
Les douze membres de la mission (Georges Richelme, Christophe Basse, Clément Bertholet, Caroline Faure, Caroline Gontran, Simon Laporte, Thierry Monteran, Louis Margueritte, William Nahum, Yannick Ollivier, Didier Oudenot et Yannick Piette avec l’assistance de la Direction des affaires civiles et du sceau) n’ont eu que quatre mois pour mener à bien cette mission. En effet, la mission mise en place par le ministre de la justice a commencé ses travaux au début du mois d’octobre 2020 et les a poursuivis jusqu’au mois de janvier 2021. Ils ont pu auditionner une centaine de personnes, tant praticiens qu’universitaires, représentants et acteurs essentiels de ces procédures amiables et collectives. Notons également que ce rapport contient 400 pages d’annexe.
À l’issue des nombreuses auditions qu’ils ont menées, les membres de la mission ont dressé le constat suivant : les petites entreprises, les commerçants, les artisans, les indépendants, les agriculteurs et les associations n’ont, en règle générale, pas recours aux procédures amiables qui pourraient les protéger lorsque leur situation se dégrade. Ils ne bénéficient donc pas de la protection qu’elles apportent et de l’accompagnement qui leur permettrait de redresser leur situation. Il existe plusieurs raisons à cela dont notamment le refus ou l’incapacité de prendre en compte la réalité de leur situation. Cela provient notamment de la stigmatisation de l’échec en France.
L’idée est donc de créer une plateforme d’accès unique dans le but d’amener la prévention aux entreprises étant donné que les entreprises visées ne viennent pas à la prévention. Le portail, grâce au legal design, permettra aux dirigeants par exemple de trouver leur situation, d’obtenir une information et seront ensuite redirigés vers un site en fonction de leurs besoins. Idéalement cette plateforme serait gérée à un niveau de coordination générale (interministériel, mission officiellement dédiée…). Sa conception devrait se faire selon les principes d’une architecture « du choix » permettant d’orienter l’utilisateur en fonction de son statut dans la direction souhaitée, en phase avec ses attentes et ses besoins.
Elle devrait permettre ainsi de créer un contenu commun de présentation et d’explication qui serait alors la trame de tous les dispositifs chacun développant ensuite ses spécificités. La création de cette plateforme nationale, serait aussi l’occasion d’engager une réflexion sur les compétences respectives des différents acteurs qui interviennent dans l’accompagnement des entreprises en difficultés (services de l’État et organismes sociaux, institutions financières et publiques, organismes consulaires mais aussi les régions qui lors de leur audition par la commission ont mis en avant leur rôle de chefs de file du développement économique sur leurs territoires).
Une grande campagne nationale de communication sera mise en place afin de promouvoir cette plateforme. Le droit des entreprises en difficulté français est une excellente boîte à outils mais il faut en faire la promotion afin que les dirigeants, agriculteurs et autres puissent en avoir connaissance et s’en servir.
Les deux aspects primordiaux mis en lumière par cette mission sont détecter et accompagner.
Concernant la détection, l’un des points phares de cette mission réside dans le développement d’un partenariat entre juridictions et « Signaux Faibles », outil prédictif améliorant le ciblage des entreprises en difficultés et permettant la détection précoce des difficultés de ces dernières. La mission propose un rapprochement entre le dispositif « Signaux Faibles » et les greffes des tribunaux de commerce selon des modalités techniques à identifier. Les greffiers pourraient transmettre l’information dont ils disposent pour enrichir la base de données de l’outil. En retour, les tribunaux auraient accès aux signaux venus des organismes publics beaucoup plus rapidement que par la voie des inscriptions et déclarations au greffe. « Signaux Faibles » ne dispose malheureusement pas de données concernant les entités de moins de 10 salariés mais le problème a ici été résolu. En effet, la DGFIP possède son propre système de détection précoce des difficultés ainsi que des données relatives aux entreprises de moins de 10 salariés. Dès lors, un rapprochement entre ces deux outils est donc envisagé. Notons également que ce partenariat sera l’occasion d’améliorer l’outil à plusieurs niveaux.
Concernant l’accompagnement, le constat est le suivant : l’articulation entre les divers mécanismes de prévention existants et les dispositifs mis en œuvre par les juridictions est relativement théorique chacun faisant surtout la promotion de son système. Les membres de la commission recommandent ainsi un fléchage vers les dispositifs judiciaires lorsque les difficultés sont avérées, de développer des procédures de prévention au sein des tribunaux judiciaires (favoriser la mise en place de juges spécialisés au sein de ces juridictions), de renforcer l’attractivité des procédures amiables (en interdisant, entre autres mesures, aux créanciers privilégiés par la loi, en particulier dans le cadre des procédures collectives, l’octroi de garanties supplémentaires à l’occasion de la négociation d’un mandat ad hoc ou d’une conciliation par exemple) mais également de facilité l’accès aux procédures amiables en agissant sur leur charge financière (en faisant, par exemple, la promotion du dispositif « Fonds de premier secours » mis en place par la Région Hauts de France et en relançant le projet assurance santé entreprise).
Cette mission permettra donc de mieux détecter les premiers signes de difficultés mais également d’accompagner l’entreprise, le commerçant, l’artisan, l’agriculteur, le responsable d’association, le professionnel libéral dans le traitement de ses difficultés.
Pour consulter l’intégralité du rapport : Lien.
Par Caroline de Bonville