Depuis sa création par Véronique Pernin il y a plus de 15 ans, VP Strat a creusé son sillon dans la communication de crise. Celle-ci pouvant jouer un rôle décisif dans la réussite d’une reprise ou d’un retournement, Véronique Pernin nous rappelle dans cette interview pourquoi il est essentiel, pour les dirigeants d’entreprises en difficulté, de bien en cerner les enjeux.
Mayday : Pouvez-vous nous présenter VP Strat que vous avez donc créé il y a 15 ans maintenant ?
Véronique Pernin : Nous sommes une agence de communication qui adresse les différents besoins des entreprises en la matière, mais avec une forte spécialisation en restructuring et situations spéciales (cession, acquisition, carve-out…). Ce segment, qui représente environ 60% de notre activité, implique une compréhension des procédures judiciaires et de leur séquencement. Depuis plus de quinze ans, nous avons développé une méthode rigoureuse et une expertise reconnue, qui nous conduisent à être sollicités régulièrement pour de grands dossiers de restructuring (Cityscoot, Celio, Flunch/Agapes, Office Dépôt/Alkor, Lapeyre, Tati/Gifi…).
Mayday : On imagine que la communication de crise se distingue de la communication « classique » par son caractère d’urgence. Mais y-a-t-il d’autres éléments caractéristiques de la com’ de crise ?
VP : Vous avez raison, nous sommes des « urgentistes de la com’ ». Et le problème de l’urgence, c’est qu’elle entraîne parfois une perte de rationalité de la part de dirigeants qui, habituellement, comprennent très bien les enjeux liés à la communication. Et pour cause, une bonne communication de crise ne s’improvise pas. Il faut qu’elle ait été anticipée, et qu’elle active un plan d’urgence sur-mesure qui soit adapté à la situation de l’entreprise. C’est pour cela qu’il faut être accompagné par des spécialistes.
Par ailleurs, il faut bien comprendre qu’une crise est un moment de bascule pour une organisation, et il n’y a que deux issues pour en sortir : par le bas, ou par le haut. Dans ce contexte, il ne faut pas sous-estimer l’importance d’une bonne communication. Elle permet de maintenir (ou restaurer) la confiance avec les personnels, les fournisseurs, les clients, les créanciers, etc. Elle permet aussi de maîtriser ce qui est dit sur l’entreprise, d’éviter les rumeurs, les fake news. Enfin, en plus d’être un levier efficace dans les négociations, une bonne communication de crise permet aux dirigeants de fédérer les salariés autour d’un plan tourné vers l’avenir.
« Les éléments de communication doivent découler d’une réflexion profonde sur le plan de redressement »
Mayday : Vous avez caractérisé la crise comme un moment de bascule pour une entreprise en difficulté. Y-a-t-il des erreurs à éviter afin de favoriser une sortie de crise « par le haut » ?
VP : Bien sûr, deux erreurs sont particulièrement récurrentes. La première est de passer à côté du bon timing. Parce que dans la communication de crise, quand on loupe le coche du bon timing, les choses peuvent mal se passer, et on fragilise le plan de redressement. Beaucoup d’entreprises nous appellent trop tard. Il y en a même qui nous contactent après avoir fait le CSE de l’annonce d’une procédure collective, alors que c’est le point de départ de la communication de crise. Donc il faut avoir préparé les éléments de communication en amont du CSE, et les dérouler à la sortie, après avoir informé les représentants du personnel de la situation de l’entreprise.
Il est d’autant plus crucial de s’y prendre le plus tôt possible que les éléments de communication doivent découler d’une réflexion profonde sur le plan de redressement. Et cela ne s’improvise pas sur un coin de table, au moment de l’annonce d’une procédure. Les entreprises en difficulté sont attendues au tournant par leurs clients, fournisseurs, salariés, et même par le tribunal. Tous attendent que les dirigeants expliquent comment ils vont redresser l’entreprise, et pourquoi cette situation ne se reproduira pas dans six mois.
La deuxième erreur, c’est de penser que si l’on souhaite préserver la confidentialité d’une situation ou d’une procédure, il ne faut surtout pas faire appel à une agence de communication. Or c’est l’inverse. Parce qu’il y a toujours un risque de fuite et de propagation de rumeurs. Prendre la main sur la communication et être proactif permet de préparer des garde-fous. Il ne s’agit pas de déclarer « nous sommes en conciliation », mais d’expliquer où en est l’entreprise, et pourquoi pas préempter notamment sur le fait qu’elle est en train de négocier avec les banques et les partenaires financiers. Cela permet de planter une graine et de tuer dans l’œuf tout départ de rumeurs quant à la situation de l’entreprise.
« Le fait d’anticiper les crises permet toujours de les traverser avec plus de sérénité »
Mayday : Il faut donc communiquer par anticipation, avant même d’entrer dans une zone de turbulence ?
VP : Exactement. De manière plus générale, le fait d’anticiper les crises permet toujours de les traverser avec plus de sérénité. Et une nouveauté de VP Strat consiste à accompagner les entreprises dans la mise au point de guides de procédure de crise, très opérationnels, qui détaillent les réactions à adopter et mettre en place en cas de crise particulière : industrielle, sociale, économique, alimentaire (pour nos clients dans l’agro), informatique, ou même de gouvernance.
Mayday : Donc vous anticipez les scenarii de crise possibles pour que tout soit prêt à l’avance une fois que l’une d’elle survient ?
VP : Exactement, parce qu’en crise, on n’a pas le temps de réfléchir au process à suivre. Nos guides permettent de qualifier la crise selon son degré de gravité, de permettre à chacun de connaître son rôle, de savoir qui il faut informer, d’avoir des éléments de langage déjà prêts pour répondre à la presse, etc. Ces guides sont élaborés sur-mesure, et surtout, ils sont très opérationnels. Parce que nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’entreprises ne disposent pas de ce genre d’outils, et que quand elles en ont, leurs guides sont très théoriques, très conceptuels. Alors que ce qui importe, c’est « qui fait quoi, comment et dans quel timing ».
Mayday : Le monde actuel, notamment par la place qu’occupent les réseaux sociaux, permet une circulation de l’information de plus en plus rapide, ce qui peut souvent jouer contre une stratégie de communication. Comment est-ce que VP Strat s’adapte à cette nouvelle donne ?
VP : Ce phénomène n’est pas si nouveau, mais vous avez raison sur le fait que cela peut fortement impacter une stratégie de communication, notamment en période de crise. Pour nous, le défi est de réussir à travailler encore plus vite. L’anticipation nous y aide, mais aussi certains outils d’intelligence artificielle, comme Chat GPT 4, Perplexity, Google Bard… Ils ne remplacent en rien l’intelligence humaine, ils nous aident dans notre travail de veille, pour évaluer la réputation d’une entreprise. Et aussi pour apprécier la performance de nos actions de communication sur cette réputation, en comparant l’avant et l’après. Comme ce sont des logiciels apprenant, on peut les nourrir de nouveaux éléments de langage, en gardant bien sûr une déontologie forte et en ne leur donnant que de vraies informations. Ces outils nous aident aussi dans nos traductions, pour créer des tableurs, etc. Ils sont précieux pour les urgentistes que nous sommes car ils nous permettent de gagner beaucoup de temps, mais leurs apports doivent toujours être vérifiés par une intelligence humaine. Et ils ne remplaceront jamais la réflexion.
Propos recueillis par Théo Sztabholz, écrivain
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Véronique Pernin, experte en communication financière à Wall Street de 1999 à 2003, a fondé l’agence VP Strat en 2005 à Paris.
Composée de 10 professionnels, anciens directeurs de la communication, journalistes, et directeurs marketing, ayant l’expérience des situations spéciales et complexes, pour un accompagnement stratégique particulièrement réactif, VP Strat accompagne les entreprises, les dirigeants et leurs conseils (Avocats, Experts Financiers,…), les AJ/MJ, les experts-comptables et commissaires et comptes et leurs institutions.
Véronique Pernin est diplômée du CELSA-La Sorbonne et d’une Maîtrise de gestion, après avoir suivi un cursus Hypokhâgne-IEP.