Dans le creuset de personnalités de premier plan telles qu’Hélène Bourbouloux, Alexandra Bigot, Anne-Sophie Noury, Joanna Gumpelson ou Sophie Barbé pour ne citer qu’elles, la nouvelle génération de professionnelles du restructuring se dessine. Ambitieuses et talentueuses, elles avancent sans corporatisme et tracent leur sillon avec un style aussi déterminé, qu’apaisé. Mayday est partie à la rencontre de professionnelles qui pourraient faire bouger les lignes dans les prochaines années et profite de la journée internationale des droits de la femme pour mettre en lumière une partie de la relève féminine du marché du restructuring.
Après avoir exercé le droit de vote au moyen âge, pour finalement s’apercevoir à la révolution de 1789 que la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » d’Olympe de Gouges n’était pas du goût de la convention, il fallut une énième guerre de trop pour comprendre que celles qui avaient exercé la régence et avaient tout à la fois été Jeanne d’Arc, la comtesse de Ségur, Simone de Beauvoir, George Sand, Marie Curie ou Simone Veil, pouvaient aussi voter, en liberté, conscience et avec discernement. Et si « être une femme » en 1981 c’est être « capitaines de sociétés », il semble pour votre serviteur qui n’était pas né, que cela fut beaucoup plus vrai en chantant, qu’en vrai !
De son côté, si l’écosystème du restructuring compte parmi ses membres les plus éminents des femmes, il n’en demeure pas moins un monde où les hommes sont numériquement plus représentés dans les fonctions de décision. Selon l’annuaire du CNAJMJ, un peu moins de 30 % des administrateurs judiciaires sont des femmes, la statistique est identique chez les mandataires judiciaires. Côté avocat, si les femmes sont très représentées à l’EFB et sans doute dans l’ensemble des barreaux, chambers and partners recense 10 femmes sur la cinquantaine de professionnels cités en restructuring. Les cabinets d’audits et les juges consulaires ne semblent pas non plus souffrir d’une sur-représentation féminine bien qu’une femme, Mme Arrouas, vienne d’être élue pour présider la Conférence Général des Juges Consulaires de France. Rien d’étonnant, à la lecture de ces chiffres, qu’elles aient ressenti le besoin de se retrouver au sein des WiR, association décrite comme conviviale et bienveillante, esprit qu’il faut reconnaitre, n’aurait peut-être pas régné si l’initiative des MiR avait vu le jour !
Une génération passionnée, consciente du leg de leurs ainés
De Charlotte Fort, administrateur judiciaire chez FHB qui voit en Hélène Bourbouloux, « une source d’inspiration quand la vie de jeune administrateur judiciaire pique un peu », mais qui n’oublie pas Gaël Couturier, à Astrid Zourli et Eugénie Amri, respectivement Counsel chez Hogan Lovells et Weil Gosthal & Manges, qui mettent en avant l’influence de Philippe Druon, un avocat qui porte en lui « le courage et le cœur », elles peuvent tout à la fois porter la robe et endosser un costume de financier qui leur sied comme un vêtement fait sur-mesure. Conscientes du leg de leurs ainés, Gwenaëlle de Girval, avocat chez Dentons, évoque Nicolas Theys qui lui a « donné envie de faire ce métier » et Audrey Molina, alors que Kenza Amar, associée chez SO-MG Partners est reconnaissante envers Sophie Moreau-Garenne. Si Marie Crumière, avocat chez Clifford évoque l’influence de Martine Zervudacki-Farnier et Delphine Caramalli qui lui a « donné confiance », Marie Gicquel avocat chez Goodwin Procter évoque celle de Maurice Lantourne et Céline Domenget-Morin.
A côté de leurs mentors, d’autres personnalités, comme Sandra Beladjine, « dont la rigueur intellectuelle et l’excellence professionnelle sont des modèles à suivre » pour Astrid Zourli ou Joanna Rousselet « dont la détermination » est saluée par Kenza Amar, sont citées comme participant à avoir « fait en sorte qu’être une femme aujourd’hui n’est plus un sujet dans le milieu du restructuring » pour Gwenaëlle de Girval.
Mais qu’est-ce qu’être une femme en 2021 dans le milieu du restructuring ? C’est d’abord « des personnalités libres d’occuper tout l’espace qu’elles veulent, d’être soi-même, car on se fiche que vous soyez un homme ou une femme » répond Charlotte Fort. « Des personnalités encore trop peu nombreuses, mais très visibles et qui représentent brillamment leur domaine d’expertise », ajoute Kenza Amar. Et des personnalités soucieuses de « ne pas exclure les hommes » et désireuse de « réussir à faire avec eux et non contre eux » complète Eugénie Amri. Tantôt avocat, administrateur, mandataire judiciaire ou auditrice, sans oublier des personnalités comme Marie Waechter et Eleonore Delplanque de Mandelot, fiduciaires chez Equitis, être une femme en 2021 c’est faire partie d’une génération qui évolue dans le creuset de leurs ainés, ne s’installent pas comme un tsunami qui renverse tout, mais comme une marée montante qui imprègne durablement le terrain.
A l’épreuve du feu
Diplômées des plus prestigieuses universités et grandes écoles, formées aux côtés des grands noms du marché, la relève féminine du marché du restructuring peut s’enorgueillir d’avoir pris part aux restructurations les plus importantes de la décennie et su s’investir avec passion au service de leurs clients et administrés, parfois entrepreneurs démunis et affaiblis, toujours dans un contexte de forte tension. Si Charlotte Fort se remémore Aigle Azur où il fallut prendre en main l’entreprise, gérer l’approvisionnement des avions et venir à la recousse de salariés se retrouvant sans solution de rapatriement aux 4 coins du monde « dans une panique totale puisqu’un putsch juridique venait de s’y dérouler », Marie Crumière se souvient des reprises de Tati par GIFI ou de Bio C’ Bon par Carrefour, qui « ont cette capacité de galvaniser une équipe et de la mobiliser de façon extrêmement positive ».
Ne pas oublier qu’il y a « toujours un aspect humain et psychologie, outre les enjeux industriels, économiques, financiers et juridiques » dans le traitement d’un dossier rappelle Eugénie Amri, permet à Marie Gicquel, qui a travaillé sur des dossiers comme Arjowiggings, Conforama, Ymagis, ou Vallourec, d’être encore davantage marquée par les dossiers où elle accompagne des fondateurs dont l’entreprise est en difficulté. Rien d’étonnant que Gwenaëlle de Girval se souvienne de Sinequanone où elle a participé à accompagner l’entreprise et son dirigeant dans toutes les étapes de la restructuration, que Kenza Amar fut marquée par la restructuration de Wall Street English, qu’Astrid Zourli évoque le dossier Bourbon, Eleonore Delplanque de Mandelot à son tour Conforama et Marie Waechter William Saurin. Car le point commun de tous ces dossiers, parfois de moyenne taille, parfois d’une taille très importante, est qu’il a permis à cette génération de femmes de se départir d’une opposition homme ou femme, « on est seulement dans l’action, en recherche d’efficacité » confie Charlotte Fort.
Qui se dessine un avenir ambitieux et apaisé
Au-delà des clichés « toutes les femmes ne sont pas dans la douceur et l’empathie comme on le présente souvent, et tous les hommes ne s’épanouissent pas dans les rapports de force » observe Marie Crumière. Si « toutes les femmes n’ont pas ce rôle et ces qualités qu’on leur prête traditionnellement, en toute hypothèse elles n’en ont pas le monopole ! » insiste Elénore Delplanque de Mandelot. En réalité, ce qui leur semble important, c’est d’ « assumer notre rôle, nos idées, nos actes, mais il ne s’agit en aucune manière de nous travestir ou de tenter de ressembler à un autre » ajoute Astrid Zourli.
Il faut « savoir accompagner le client vers des solutions adaptées, l’aider à sauvegarder la valeur comme l’emploi, ce qui nécessite une implication quotidienne et un soutien sans interruption » commente Kenza Amar et de continuer de « porter l’innovation au cœur des dossiers » ajoute Marie Waechter. Et pour cause, « lorsque vous intervenez, habitez et incarnez votre fonction, rappelez-vous que vous intervenez en qualité de professionnel, pas en tant que femme ou en tant qu’homme » lance Eugénie Amri pour qui l’engagement total dans le travail « efface naturellement les éventuelles questions de légitimité ». « Le travail est ce qui compte » appuie Gwenaëlle de Girval « peu importe que l’on soit un homme ou une femme ».
La nouvelle génération est prête, « hommes et femmes sans distinction, et travaillent déjà efficacement ensemble » insiste Marie Gicquel. Loin des oppositions, l’avocat ajoute « les femmes n’ont pas plus un rôle à jouer que les hommes, elles peuvent déployer autant d’énergie que les hommes et souhaitent juste contribuer autant qu’eux à traverser les crises ». Des aspirations sans doute rendues possible parce que « la nouvelle génération d’hommes aspire autant que les femmes à concilier vie professionnelle et vie personnelle » observe Marie Crumière.
En conclusion, les jeunes professionnelles du restructuring ont conscience d’exercer « un métier plus que jamais essentiel » confie Charlotte Fort. Elles « accompagnent les chefs d’entreprises dans un moment souvent clé et marquant de leur vie professionnelle » ajoute Gwenaëlle de Girval, des chefs d’entreprises qui expérimentent « le vertige de la crise » insiste Charlotte Fort, qui espère qu’au sortir de cela il y a aura un effet vertueux : « qu’aucun chef d’entreprise ne vive plus la difficulté, le tribunal de commerce, comme une honte, mais comme un gain d’expérience et la fierté de la difficulté dépassée ». A les écouter et les observer, on comprend vite que le droit au rebond ce n’est pas une expression creuse, c’est leur manifeste.
Par Cyprien de Girval