Mayday a noué un partenariat avec le master ALED de l’Université Jean Moulin Lyon 3 qui forme, sous la direction du professeur Nicolas Borga, les futurs professionnels du retournement, afin que ses étudiants nous proposent chaque mois un éclairage sur les jurisprudences qui impactent la pratique. Plus qu’un éclairage, il s’agit d’un lien privilégié que Mayday entretient avec les étudiants du Master ALED, afin qu’ils participent à décrypter le droit des entreprises en difficulté et que cela soit pour eux l’occasion de présenter cette formation de haut niveau. Cette semaine, Damian Genton, étudiant en deuxième année du Master ALED, nous livre son éclairage sur l’arrêt de chambre commerciale de la Cour de cassation du 14 novembre 22 janvier 2020, n°18-21.647.
Nantissement de compte bancaire — La clause de blocage du compte nanti insérée au contrat de prêt est inefficace en cas d’ouverture d’une procédure collective. Il en résulte que le créancier prêteur disposant d’un nantissement de compte bancaire ne peut « séquestrer » le solde créditeur figurant sur ce compte à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 janvier 2020, n°18-21.647
L’affaire en question permet à la Chambre commerciale de se prononcer une seconde fois (v. déjà Cass. com., 7 nov. 2018, n° 16-25860) sur l’efficacité de la clause de blocage du compte bancaire nanti destinée à s’appliquer à l’ouverture d’une procédure collective.
La situation était la suivante : un établissement de crédit octroya à une société un prêt garanti par un nantissement de comptes bancaires, étant précisé que le prêteur serait en droit d’isoler sur un compte spécial, bloqué à son profit, les soldes créditeurs en cas d’ouverture d’une procédure collective. L’année suivante, une procédure de redressement judiciaire est ouverte au bénéfice de cette société et l’administrateur judiciaire demande à l’établissement de crédit le transfert des sommes vers la Banque Delubac.
Devant les juges du fonds, qui rejetteront ses demandes, le prêteur invoquait l’article 2360 alinéa 2 du Code civil disposant qu’en cas d’ouverture d’une procédure collective contre le constituant, les droits du créancier portent sur le solde du compte à la date du jugement d’ouverture.
Par un nouvel arrêt, la Cour de cassation juge qu’une clause de blocage des sommes d’un compte bancaire nanti est inefficace en cas d’ouverture d’une procédure collective et souligne que l’article 2360 du Code civil ne concerne que l’assiette de la garantie que pourra faire valoir le créancier dans sa déclaration de créance. Pour rejeter le pourvoi, les juges reprennent les énonciations de la Cour d’appel de Paris consistant à dire que la clause litigieuse « opère comme une résiliation unilatérale du contrat de prêt en contrariété avec les dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce », fondement inadapté puisqu’il est de jurisprudence constante que le contrat de prêt bancaire n’est pas un contrat en cours (Com. 9 février 2016, n°14-23.229).
La Cour décide pour une seconde fois de faire primer le droit des entreprises en difficulté sur celui des sûretés en fondant son rejet sur le caractère d’ordre public des procédures collectives. Elle renforce ainsi la protection du débiteur au détriment des intérêts du prêteur bénéficiaire d’un nantissement. À défaut de précision apportée par les magistrats du quai de l’Horloge, la clause de blocage des sommes du compte bancaire nanti demeure valide, bien que celle-ci soit inefficace.
Par Damian Genton