Une fois les stylos posés et l’accord signé, il reste encore une dernière étape avant de pouvoir enfin passer à autre chose et se recentrer sur l’activité de l’entreprise : c’est celle du constat ou de l’homologation du protocole de conciliation. Ces deux procédures constituent chacune un préalable nécessaire pour (i) donner force exécutoire à l’accord et (ii) mettre fin à la procédure de conciliation. Il convient donc d’opter pour l’une ou pour l’autre.
Verbiage juridique ou véritable enjeu, quelles différences entre les deux procédés proposés par la loi ?
D’abord, l’absence de confidentialité du jugement d’homologation du protocole. Ainsi, alors que la décision constatant l’accord reste confidentielle, le jugement qui l’homologue est public (mais le protocole, lui, ne l’est pas).
Concrètement, un avis du jugement d’homologation sera publié au BODACC et dans un journal d’annonces légales du lieu du siège de l’entreprise, mentionnant que le jugement est disponible au greffe du tribunal où tout intéressé peut venir en prendre connaissance. Ces formalités de publicité sont faites d’office par le greffier dans les 8 jours de la date du jugement.
Dans le même sens, l’entreprise sollicitant l’homologation du protocole devra donc informer le comité d’entreprise (ou, selon la taille de l’entreprise, les délégués du personnel) du contenu de l’accord.
« La communication dans ce cadre est très importante, le dirigeant devant alors faire preuve de pédagogie et de transparence pour rassurer les salariés qui n’avaient jusqu’alors pas forcément été impliqués dans la procédure »
Les représentants du personnel, au même titre que le débiteur, les créanciers, le conciliateur et le ministère public, seront d’ailleurs appelés par le tribunal avant qu’il ne statue sur l’homologation.
C’est ainsi la confidentialité même de la procédure, qui constitue pourtant l’un de ses atouts majeurs, qui est atteinte.
Mais alors, pourquoi les créanciers la réclament-ils si fréquemment ? C’est que l’homologation, à l’inverse du constat, est la seule à leur permettre de bénéficier du privilège dit de « new money » (ou « d’argent frais »), qui accorde un rang privilégié au remboursement de leur créance venue au soutien de l’entreprise, pour le cas d’une éventuelle procédure collective ultérieure.
Ce privilège s’applique à toute personne ayant, dans le cadre de l’accord homologué ou au cours de la procédure, consenti un nouvel apport en trésorerie ou fourni un nouveau bien ou service au débiteur, en vue de permettre la poursuite de son activité et sa pérennité (en revanche, ne sont pas couverts les apports consentis par les actionnaires du débiteur via une augmentation de capital).
L’on comprend donc mieux pourquoi certains créanciers seraient prêts à sacrifier la confidentialité de la procédure.
Et le débiteur dans tout ça ? Il doit être noté que l’homologation offre un autre avantage, tant cette fois-ci au débiteur qu’à ses créanciers. En effet, la date du jugement d’homologation sert de limite au rétro-calcul éventuel de la date d’état de cessation des paiements. Ainsi, afin de garantir la sécurité des créanciers, il est impossible de reporter la date de cessation des paiements à une date antérieure à l’homologation de l’accord. Par ailleurs, l’homologation emporte levée automatique de toute interdiction d’émettre des chèques qui aurait pu être prononcée à l’encontre du débiteur.
Enfin, on soulignera que la décision constatant l’accord n’étant pas susceptible de recours, le constat offre un véritable confort pour le débiteur qui pourra mieux maitriser son calendrier. Ce n’est pas le cas du jugement d’homologation qui est, lui, susceptible d’appel (par le ministère public, le débiteur lui-même, ou l’un des créanciers parties à l’accord) ou bien d’opposition (par des tiers créanciers non-signataires de l’accord). C’est un point important quand l’on sait comme les discussions et négociations peuvent être chronophages et nuire en conséquence à l’activité.
En vérité, ce sujet est systématiquement soulevé au cours des négociations, souvent même dès le début de celles-ci, dans la mesure où l’homologation constitue une condition nécessaire à l’obtention du soutien des créanciers. Il n’est pas évident de s’y opposer, et la communication interne et externe de l’entreprise dans ce contexte devient alors primordiale.
Sur l’auteur : Géraldine Astrup est avocat spécialiste du droit des entreprises en difficulté, au sein de l’équipe Restructuring du cabinet Brown Rudnick. Elle conseille les entreprises, leurs dirigeants ou leurs actionnaires, dès lors qu’ils sont confrontés à une situation de crise. Elle intervient donc tant dans le cadre de procédures amiables que judiciaires et à différents stades des difficultés de ses clients, sous l’angle du conseil ou celui du contentieux. Géraldine accompagne également des investisseurs français et étrangers dans le cadre de leurs projets de reprise et de retournement de sociétés.
Pour aller plus loin : http://www.brownrudnick.com/people/geraldine-astrup-fr