Décision jamais facile, mais parfois inéluctable, le dirigeant d’une entreprise en difficulté est parfois confronté à la nécessité de licencier. S’il appliquera les règles de droit commun lorsque son entreprise se trouve en procédure de sauvegarde, il devra respecter des règles dérogatoires dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
Eclairage sur les procédures de licenciement pour motif économique de moins de 10 salariés sur une période de 30 jours, ne nécessitant pas l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), intervenant dans une entreprise munie de représentants du personnel et ne concernant pas les salariés dits « protégés » (salariés représentants du personnel ou titulaire d’un mandat syndical).
On pourrait être tenté de penser qu’un « petit licenciement pour motif économique » est plus facile à mettre en œuvre qu’un licenciement prononcé dans le cadre d’une procédure avec plan de sauvegarde de l’emploi. Pour autant, il n’en est rien, ces licenciements doivent avoir été minutieusement préparés, afin que les droits de chacun soient scrupuleusement respectés.
1) Obligation préalable de consultation des représentants du personnel, d’information de l’Administration et d’autorisation judiciaire
Pour chacune des procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire), des consultations et informations obligatoires des représentants du personnel présents au sein de la Société concernée et de la Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) sont prévues, ainsi qu’une autorisation judiciaire de procéder à des licenciements pour motif économique.
a) Redressement judiciaire
En redressement judiciaire, des licenciements pour motif économique peuvent être prononcés dans des conditions qui seront différentes selon que l’entreprise se situe en période d’observation ou en plan de redressement.
“Tout licenciement envisagé durant la période d’observation doit être justifié par son caractère à la fois urgent, inévitable et indispensable”
i) En phase d’observation
Les représentants du personnel (membres élus du comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel et le cas échéant, membres du comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail, ou, à compter des prochaines élections, le conseil social et économique) doivent être consultés sur le projet de restructuration et sur les licenciements envisagés.
En l’absence de représentants du personnel dans l’entreprise, c’est le représentant des salariés qui exerce leurs attributions en matière de licenciement économique.
Il y a lieu de noter que les représentants du personnel peuvent, dans le cadre de leur consultation, faire intervenir un expert-comptable qui dispose d’un délai minimal d’une quinzaine de jours pour effectuer ses diligences.
Tout licenciement envisagé durant la période d’observation doit être justifié par son caractère à la fois urgent, inévitable et indispensable et avoir été autorisé par le juge-commissaire du Tribunal de commerce compétent. A défaut d’autorisation judiciaire, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse.
Attention, il ne faut pas oublier qu’à cette consultation et ce jugement arrêtant le plan de redressement, doit succéder la phase dite « commune » prévoyant la convocation et la tenue d’entretien préalable de licenciement et la notification du licenciement.
ii) En phase de redressement
Lorsqu’un plan de redressement a été arrêté par le Tribunal de commerce, la procédure est légèrement différente de celle applicable au cours de la période d’observation.
En effet, les représentants du personnel doivent être consultés sur la compression d’effectifs prévue dans le projet de l’administrateur judiciaire et l’autorité administrative compétente doit en être informée.
Le jugement arrêtant le plan de redressement constitue l’acte d’autorisation des licenciements. A la différence de la procédure prévue pour la phase d’observation, aucune autorisation judiciaire n’est requise de la part du juge-commissaire.
Point important, au vu du jugement et du plan arrêté par le tribunal, les licenciements doivent intervenir dans le délai d’un mois par lettre recommandée avec accusé de réception.
C’est le jugement du Tribunal de commerce arrêtant le plan de redressement qui devra directement prévoir et autoriser le (ou les) licenciement(s) pour motif économique.
Succédera ensuite la phase d’entretien préalable de licenciement et de notification du licenciement.
b) Liquidation judiciaire
Dans le cadre d’une procédure liquidative, les licenciements pour motif économique sont effectués par le liquidateur judiciaire.
A certaines conditions, le Tribunal de commerce peut autoriser le maintien de l’activité pour une durée de 3 mois renouvelables une fois à la demande du ministère public.
Pendant cette période de maintien de l’activité, le liquidateur peut procéder aux licenciements économiques autorisés par ordonnance du juge-commissaire, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les licenciements notifiés durant la période d’observation au cours d’une procédure de redressement judiciaire.
Lorsque le Tribunal de commerce prononce la liquidation de l’entreprise sans poursuite d’activité ou qu’il met un terme à la période de maintien provisoire de l’activité, la procédure applicable est identique à celle prévue en cas de jugement arrêtant un plan de redressement en matière de redressement judiciaire :
- jugement du tribunal de commerce arrêtant la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité ou mettant fin à la poursuite d’activité (transmis à la Direccte) ;
- consultation des représentants du personnel ;
- information de la Direccte sur le projet de licenciement pour motif économique ;
- mise en œuvre de la procédure de licenciement.
Comme dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, en l’absence de représentants du personnel dans l’entreprise, c’est le représentant des salariés qui exerce leurs attributions en matière de licenciement économique.
“Les obligations jurisprudentielles en matière de reclassement préalable à tout licenciement pour motif économique s’appliquent. Ces recherches de reclassement doivent être complètes, sérieuses et loyales”
2) Mise en œuvre de la procédure de licenciement
Excepté dans l’hypothèse du licenciement de l’ensemble du personnel, la mise en œuvre des licenciements économiques suppose le respect des dispositions prévues par le Code du travail relatives à l’ordre des licenciements.
Par ailleurs, les obligations jurisprudentielles en matière de reclassement préalable à tout licenciement pour motif économique s’appliquent. Ces recherches de reclassement doivent être complètes, sérieuses et loyales.
Après avoir identifié les salariés concernés par le projet de licenciement pour motif économique et recherché des postes de reclassement, chaque salarié concerné par le projet de licenciement devra être convoqué à un entretien préalable au licenciement au cours duquel l’employeur devra proposer le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).
Préalablement à la notification du licenciement, l’employeur devra de nouveau informer la Direccte du projet de licenciement pour motif économique et lui transmettre des données précises.
Sous peine de voir l’Assurance de Garantie des Salaires (AGS), refuser de garantir les créances des salariés, la notification du licenciement devra être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, au minimum 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable et :
- dans le délai d’un mois suivant le jugement du Tribunal de commerce arrêtant le plan de redressement judiciaire ;
- dans le délai de 15 jours suivant le jugement de liquidation suivant la fin du maintien d’activité autorisé ou du jugement de liquidation.
Il y a lieu de préciser que le salarié a droit à la priorité de réembauchage durant le délai d’un an à compter de la date de la rupture de son contrat de travail s’il en fait la demande.
Enfin, l’administration devra être informée du licenciement dans les 8 jours suivant la notification de celui-ci.
En conclusion, en matière de licenciement pour motif économique hors PSE, le droit des entreprises en difficulté propose un cadre dérogatoire au droit commun. Cependant, même si le droit des entreprises en difficulté favorise les restructurations sociales, celles-ci étant parfois inéluctables au sauvetage des entreprises, il n’exonère pas le chef d’entreprise et les organes de la procédure d’une préparation minutieuse.
Sur l’auteur : Laurence de Breuvand est avocate chez Actance Avocats, cabinet spécialisé en droit social.
Pour aller plus loin : http://www.actanceavocats.com/equipe/laurence-de-breuvand