Le Tribunal de commerce de Bobigny, en collaboration avec le Medef, propose, dès ce mercredi, des aides psychologiques à destination des dirigeants d’entreprise en situation de désarroi. Le dispositif devrait être pleinement opérationnel dès la fin du mois de janvier.
Dans le cadre d’un entretien avec Sophie Tardy-Joubert pour la revue juridique Les Petites Affiches en novembre dernier, Francis Griveau était désireux de faire passer un message aux chefs d’entreprise. À ce titre, il insistait « sur le fait que le tribunal de commerce est là pour aider les entreprises. Nous ne sommes pas des fossoyeurs ! La montée en puissance des mandats ad hoc des mesures de prévention est là pour le souligner. Nous encourageons les chefs d’entreprise à venir nous voir le plus vite possible ». Dans la continuité de ses propos, Francis Griveau espère que le tribunal de commerce « ne sera plus perçu comme le fossoyeur des entreprises mais comme une aide. Venir au tribunal de commerce ne doit pas être vécu comme une infamie ».
C’est donc dans cette optique et dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique que l’initiative d’aide psychologique aux chefs d’entreprise s’implante en Seine-Saint-Denis, sous l’impulsion de Francis Griveau, président du Tribunal de commerce de Bobigny et Bastien Brunis, président du Medef 93-94. À l’heure actuelle, 56 juridictions ont adopté le dispositif APESA et 24 autres ont manifesté leur intention de le mettre en œuvre. Au-delà, des chambres consulaires, des experts comptables, des organisations professionnelles rejoignent cette action. Ce mercredi marque donc l’arrivée du dispostif en Seine-Saint-Denis.
À l’image des fondateurs du dispostif APESA, Jean-Luc Douillard et Marc Binnie, Francis Griveau et Bastien Brunis sont désireux d’anticiper le mal-être des dirigeants d’entreprise du ressort du Tribunal de commerce de Bobigny et dressent un tableau assez sombre des prochaines années. En effet, à l’heure actuelle, les véritables difficultés ne sont pas encore arrivées. Les URSAFF et finances publiques mettent en place des échéanciers pour certains secteurs. Dès lors, c’est à la fin du premier semestre, début du deuxième de l’année de 2021 que les véritables difficultés seront mises en lumière. À cet égard, Francis Griveau pronostique une année 2022 critique dans la mesure où « c’est 3 à 400 PME qui vont se retrouver à la barre du tribunal » lorsqu’il faudra rembourser tous les prêts. Bastien Brunis partage ce constat et avait annoncé vouloir placé son mandat, dès son élection en novembre dernier, sous le signe de « l’aide aux entreprises en difficulté ». Ce point lui tenait particulièrement à cœur dans la mesure où ce dernier a connu une procédure de redressement judiciaire. Il appréhende donc avec justesse l’aspect détresse psychologique des dirigeants.
Le dispositif APESA 93, et plus largement APESA (aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë), est notamment destiné aux dirigeants d’entreprise présentant un risque suicidaire ou en grande détresse psychologique. Il proposera cinq consultations chez des psychologues. Conscients de la réticence des chefs d’entreprise et de leur défiance vis-à-vis des tribunaux de commerce, Francis Griveau et Bastien Brunis devront surmonter des écueils tel que celui du dirigeant dans le déni ou totalement hermétique à solliciter le bénéfice d’une procédure collective.
Concernant la mise en œuvre de ce dispositif, le Tribunal de commerce de Bobigny va recruter rapidement des « sentinelles », juges commissaires, Medef, avocats au barreau de Bobigny et experts-comptables. Ces derniers ont l’avantage d’entretenir un lien de confiance avec les dirigeants d’entreprise, ce qui leur permettra de les sensibiliser au mieux sur les bénéfices de cette aide psychologique. Leur rôle sera d’aller à la rencontre des chefs d’entreprises fragilisés par des difficultés financières, économiques ou sociales dans le but de les accompagner au mieux mais surtout de les inciter à se tourner vers l’un des professionnels partenaire du dispositif.
Par Caroline de Bonville