C’est la fin d’un long suspense et le début d’une nouvelle aventure pour les salariés d’Ascoval ! Ce mercredi 19 décembre 2018, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a validé la reprise de l’aciérie de Saint-Saulve (59) par le groupe Altifort. Une opération parfaitement bien orchestrée et riche en enseignements. Retour sur les clés du succès avec les acteurs qui sont intervenus sur le dossier.
L’humain au cœur de la réussite de l’opération : un état d’esprit constructif
Pour les acteurs du dossier avec lesquels nous avons pu échanger, il ne fait aucun doute que le succès de cette opération tient avant tout dans l’exemplarité des salariés et la ténacité de Cédric Orban, leur patron, qui a mis tout en œuvre pour les impliquer dans cette épreuve, en veillant à privilégier le dialogue à chaque instant et à aller le plus loin possible dans la recherche d’une solution.
C’est d’ailleurs pour Guilhem Brémond, Avocat chez Brémond et associés, le premier élément marquant de cette opération « la réussite de cette opération est d’abord due aux salariés d’Ascoval, pleinement engagés et impliqués dans le sauvetage de leur usine ».
Un point de vue pleinement partagé par Véronique Pernin, fondatrice de l’agence de communication VP Strat, qui met en lumière le respect de chacune des parties grâce au dialogue qui a permis « d’aligner les intérêts de tout le monde et de créer une convergence entre tous les acteurs ». Elle poursuit « les syndicats ont poussé les hommes à prendre des décisions qui n’étaient pas simples, pour permettre à l’entreprise de survivre ».
Maîtres Philippe Jeannerot et Paul-Henri Audras, administrateurs judiciaires chez AJRS, le confirment, « les instances représentatives du personnel ont joué l’intérêt général plutôt que l’intérêt particulier, convaincues qu’Ascoval n’était pas un canard boiteux ! ».
L’appareil judiciaire et les outils juridiques au service du sauvetage d’Ascoval
« En janvier dernier, quand la reprise d’Ascométal a été décidée au profit du suisse Schmolz + Bickenbach, mettant de côté l’aciérie de Saint-Saulve, le réflexe naturel a été de demander la liquidation judiciaire d’Ascoval. Au lieu de ça, nous avons fait le choix de mettre en place une procédure qui allait tenir un an pour trouver un repreneur. Et dans l’année on a trouvé ce repreneur ! » se félicite Guilhem Brémond. Une opération qui n’aurait pas été rendue possible sans le soutien de l’appareil judiciaire, comme le confirme Maître Jeannerot « le tribunal a joué le jeu, il nous a laissé du temps ! ».
Pour Guilhem Brémond, deux outils juridiques ont permis la réussite de cette opération. D’abord, le choix de rester en procédure de redressement judiciaire, qui selon lui « permet de sauver des entreprises ! », puis la fiducie, qui se développe de plus en plus et qui a permis de rassurer les salariés sur le fait que, quoi qu’il arrive, ils auraient un traitement satisfaisant. Confiée à Solutions Fiducie, « cette fiducie a été vraiment importante pour apaiser l’environnement et permettre aux salariés de se battre pour que l’entreprise vive ».
Altifort, un candidat qui n’a pas baissé les bras
Rien ne semblait gagné pour le groupe franco-belge de 1300 salariés, qui n’est pas parvenu à conclure un accord avec Vallourec sur un soutien financier de l’ordre de 35 millions d’euros. Altifort est donc allé chercher les solutions ailleurs. Une persévérance qui, pour Maître Jeannerot, est un élément clé de ce dossier « Altifort a fait preuve de courage et n’a pas baissé les bras tout au long du dossier ».
Cette ténacité a payé : Altifort apporte 35 millions d’euros, 40 millions d’euros de crédit-bail pour le financement d’un train à fil et 30 millions d’euros d’affacturage. L’Etat, qui s’est également beaucoup impliqué dans le dossier, s’engage à prêter la somme de 25 millions d’euros, la région Hauts de France, 12 millions d’euros et Valenciennes-Métropole, 10 millions d’euros.
« L’industrie en France, ça marche ! »
Altifort a dit « j’y crois et j’y vais » ! Il est allé se confronter au marché ! Un marché qu’Ascoval n’avait jamais vraiment côtoyé « Ascoval est une entreprise qui produit un acier de qualité mais qui n’avait pas d’aval. On s’est rendu compte qu’Ascoval avait des clients potentiels et donc un marché ! » précise Maître Jeannerot.
En effet, comme le rappelle Véronique Pernin « Ascoval a toujours vécu comme une coopérative, avec pour seuls clients ses actionnaires, Vallourec et Asco Industries. Avec Altifort, l’aciérie se place dans un modèle de marché et va conquérir de nouveaux clients ». Des lettres d’engagement de groupes technologiques laissent d’ailleurs augurer de belles commandes pour les deux prochaines années.
Le buzz médiatique, un atout important
Enfin, les médias ont également participé à la réussite de l’opération. Pour Véronique Pernin, « l’aspect médiatique a été très important dans ce dossier car il a sensibilisé les politiques au plus haut niveau sur le problème d’Ascoval, de l’emploi et du retournement de l’industrie française ». Ascoval est devenu un symbole de la problématique industrielle en France par les médias, « on en a fait un exemple en s’appuyant sur des éléments forts : une direction qui n’a rien lâché, tout le temps en dialogue avec ses salariés et qui a toujours dit ce qu’elle faisait et fait ce qu’elle disait » conclue-t-elle.
Dans un communiqué, le PDG d’Ascoval a manifesté sa joie puisque les 281 emplois de l’aciérie sont préservés, tout comme les 1000 emplois indirects au niveau de la région. Les projets d’Altifort devraient permettre la création de 140 emplois sur les deux prochaines années. Une très bonne nouvelle pour l’industrie et l’emploi selon Bruno Le Maire qui s’est réjoui sur Twitter de la décision rendue. La reprise par Altifort sera effective à compter du 1er février 2019.
Par Bastien de Breuvand