Mayday a rencontré Arnaud Montebourg, Entrepreneur, ancien Ministre de l’Economie et figure emblématique du Made In France. Arnaud Montebourg apporte son soutien aux Lingeries Indiscrète et revient sur les enjeux du Made In France.
Mayday : La tragique actualité a mis en lumière le combat d’Indiscrète, une des dernières manufacture française détentrice du savoir-faire en lingerie corseterie labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant en 2013. Comprenez-vous l’émoi que cette entreprise suscite et la mobilisation qu’il génère ?
Arnaud Montebourg : Comment ne pas le comprendre ? Les salariés d’Indiscrète ont subi le départ tragique de leur dirigeant qui s’est donné la mort dans son entreprise. Elles se battent aujourd’hui pour sauver leurs emplois et leur savoir-faire et le font avec dignité et courage, alors qu’elles ont eu mille raisons de baisser les bras. Leur combat est émouvant et la mobilisation qu’il a suscitée est révélateur d’un pays qui bouge et qui veut se prendre en main pour maintenir ses emplois et son savoir-faire sur son territoire.
Mayday : Une vente solidaire d’une collection dédiée au sauvetage de l’entreprise et baptisée « Collection Soutien » a été mise en place. Les prix de cette collection ont volontairement été majorés d’une dizaine d’euros pour permettre de dégager la trésorerie nécessaire au rebond d’Indiscrète. L’opération a permis de multiplier par 6 le volume des ventes de cette collection. Cette dynamique d’achat corrélée à une augmentation des prix vous étonne-t-elle ? L’achat ne doit-il pas être ici être considéré comme un vote pour la survie d’Indiscrète et du savoir-faire qu’elle représente ?
AM : Parfaitement. En achetant, les Français votent. Vous avez le choix d’acheter chinois ou français, avec ce que cela implique. Aujourd’hui, les français ont voté pour la survie d’Indiscrète et le maintien de son savoir-faire.
Je ne suis pas étonné que l’augmentation des prix ait été corrélée à une augmentation des ventes. Cela montre que les français ont besoin de sens et s’intéressent tout autant à ce qu’ils achètent, qu’à pourquoi ils l’achètent et pour qui ! On comprend mieux une augmentation des prix pour une entreprise en difficulté, qui produit et crée des emplois en France, que pour celle qui ne fait pas cet effort.
Il faut aussi rappeler que produire en France comporte un coût. Il n’est donc pas anormal que ce coût soit répercuté dans le prix du produit.
Mayday : Fondateur de la marque Bleu Blanc Ruche, miel 100 % made in France, et de l’association « Vive la France », vous êtes à la fois acteur et défenseur de cette économie. Pourriez-vous nous dire ce qui vous anime dans ces entreprises et comment, selon vous, il est possible de construire un modèle d’entreprises Made In France pérenne ?
AM : Les capacités productives de la France en miel ont considérablement baissé depuis 20 ans. A l’époque, nous consommions le miel que nous produisons. Aujourd’hui, nous en consommons trois fois plus que ce que nous produisons. La filière française de l’apiculture s’est effondrée et il manque 13 millions de Ruche en Europe occidentale pour couvrir nos besoins.
Le résultat, c’est que nous importons massivement du miel au-delà de nos frontières. Ce faisant, nous perdons notre souveraineté alimentaire et la maîtrise de l’apiculture qui permet la pollinisation. C’est grave, car tous les légumes et toutes les fleurs sont pollinisés par les abeilles. L’abeille est essentielle à l’humanité.
Mayday : Actuellement, nous ressentons un achat des produits Made In France fondé sur une dynamique citoyenne. Afin d’assurer durablement sa pérennité, le Made In France ne doit-il pas aussi mettre davantage en lumière la qualité de son savoir-faire exceptionnel et de ses produits qui font briller la France à l’international ?
AM : Vous avez raison ! Il est essentiel de maintenir cette dynamique citoyenne et en même temps il faut aller plus loin.
Le Made in France est une marque qui porte, car nous produisons des produits de qualité. Plusieurs acteurs l’ont déjà bien compris, je pense notamment à la filière viticole où le savoir-faire français s’exporte à travers le monde. La France doit être fière de son patrimoine économique et doit le faire savoir à l’international.
Propos recueillis par Cyprien de Girval