Les 16 et 17 mai 2024, la chaleureuse ville marocaine de Fès fut l’épicentre du restructuring francophone. Répondant à l’invitation de François-Xavier Lucas, professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne et l’Université Euro-Méditéranne, universitaires, praticiens et étudiants des deux rives de la méditerranée se sont retrouvés pour les journées du restructuring de Fès. La deuxième édition d’un rendez-vous qui s’installe comme le point d’orgue incontournable du partenariat entre l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et l’Université Euro-Méditerranéenne de Fès.
Sous l’égide du Professeur François-Xavier Lucas, universitaires et praticiens chevronnés sont tour à tour montés sur l’estrade. Ensemble, pendant deux jours, ils ont exploré quelque unes des problématiques les plus acérées du moment. Les intervenants ont alterné entre analyse prospective et études casuistiques, passant en revue des questions tenant à l’actualité de la déclaration et de l’admission des créances, du droit de l’union européenne et international de la faillite, du droit des sûretés confronté à la procédure collective, de la restructuration amiable et également des plans de sauvegarde ou de redressement votés par les classes de parties affectées.
En ce qui concerne les innovations et la recherche prospective, c’est assurément du côté de Bruxelles, et semble-t-il également de Berlin, qu’il faut se tourner. A l’origine d’un changement de paradigme remettant le droit des suretés au centre du jeu par l’effet de l’introduction en droit français des classes de parties affectées, la commission européenne, animée d’une volonté déterminée d’harmoniser les droits nationaux, a impulsé en 2019 l’avènement d’un droit matériel de l’insolvabilité de l’union européenne. Confortée par des initiatives comme celles de l’association Henri Capitant invitant à la création d’un code européen des affaires et faisant part de son souhait d’avancer vers l’unification des marchés de capitaux, la commission ne compte pas s’arrêter en chemin. Un nouveau projet de directive insolvabilité est à l’étude et, à écouter le Professeur Mastrullo, il sera d’influence germanique. Il comportera également l’épineuse particularité de n’être négocié qu’en langue anglaise, conduisant les langues nationales a un périlleux exercice de traduction qui pourrait nous conduire à introduire dans notre droit des concepts qui nous sont étrangers. Malgré ce cadre juridique contraint, le professeur Perrochon a de son côté plaidé pour une simplification du droit des entreprises en difficulté, afin de le rendre plus accessible aux petites entreprises.
Rappelant leur intérêt et leur taux de succès de l’ordre de 70 %, les intervenants en ont également profité pour continuer de promouvoir les procédures préventives. Ces procédures sont d’autant plus précieuses que, comme l’a rappelé Maître Merly, les entreprises vivent en mode « CUMOD », faisant face depuis 2020 a une série d’épreuve : Covid, Ukraine, Moyen-Orient et Dette.
Ces journées d’études furent également l’occasion d’explorer la préparation et l’exécution de la procédure de sauvegarde accélérée et la constitution des classes de parties affectées à l’aune des premiers dossiers traités. S’il a été largement débattu du sort réservé à la classe des détenteurs de capital, mettant ici en exergue d’importantes questions sur le respect du droit de propriété et la nécessité de suivre de près les prochaines jurisprudences, les panelistes ont ensuite traité de la question de l’interaction entre le droit financier et le droit des entreprises en difficulté. Ou plus précisément la gestion d’un conflit entre le droit des marchés financiers imposant de la transparence et les procédures préventives et collectives.
Mais comme bien souvent en matière d’insolvabilité, le droit évolue au gré de l’impulsion des innovations prétoriennes et de l’imagination sans limite des praticiens. Ce colloque fut donc naturellement l’occasion de décortiquer et de tirer les grands enseignements du dossier Orpéa en présence d’une partie des avocats ayant pris part à cette restructuration. Un dossier hors norme par sa taille et sa complexité. Les discussions se sont d’ailleurs tenues en présence du CIRI, acteur et observateur attentif, soucieux de tirer les grands enseignements des dernières restructurations, pour faire évoluer le droit français, tout en ayant conscience de disposer des marges de manœuvre contraintes.
Si les deux journées de travail ont été intenses, elles ont été entrecoupés de temps d’échanges et de convivialité magnifiquement orchestrés par les équipes de l’Université de la Sorbonne et d’Euro-Méditerranéenne de Fès. Bénéficiant d’un accueil extrêmement chaleureux, les 200 participants ont ainsi pu découvrir les beautés de la plus grande Médina du monde arabe pendant le Gala donné depuis l’Hôtel Sahrai. Les débats auraient même continué jusqu’au Ramada pour mieux s’imprégner de l’ambiance nocturne de la cité marocaine.
Les actes du colloque seront prochainement repris dans la revue Lextenso. Ces actes seront d’autant plus précieux que « nous avons entendu ce que l’on peut espérer de mieux » conclu le professeur Lucas. Et pour cause, si ce dernier a fait venir parmi les plus éminents professionnels, il a également contribué à mettre en avant une nouvelle génération d’universitaires et de praticiens. Y aura-t-il une troisième édition ? Quoi qu’il en soit, peut-être faut-il se réunir à plus de 2000 km de la capitale française, dans un pays, poumon de l’économie africaine, francophone et où la France est l’un des tous premiers investisseurs directs étrangers, pour organiser demain les premières rencontres francophones des professionnels de l’insolvabilité !
Liste des intervenants au colloque : François-Xavier Lucas, professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne et l’Université Euro-Méditéranne, directeur du colloque, Pierre Cagnoli, professeur à l’Université de Nice, Paul Urbain, mandataire judiciaire, Thomas Mastrullo, professeur à l’Université de Luxembourg, Astrid Zourli, avocate associée chez Hogan Lovells, Céline Domenget-Morin, avocate associée chez Weil Gotshal & Manges, Françoise Pérochon, professeur à l’Université de Montpellier, Erwan Merly, administrateur judiciaire chez AJIRE, Julie Cittadini, avocate associée chez LPA-CGR, Dominique-Paul Vallée, Délégué général honoraire à la prévention au tribunal de commerce de Paris, Patrick Sayer, président du Tribunal de commerce de Paris, Marc Sénéchal, mandataire judiciaire chez BTSG, François Kopf, avocat associé chez Darrois Villey Maillot Brochier, Frédéric Abitbol, administrateur judiciaire chez Abitbol & Rousselet, Catherine Gralitzer, chargée de cours à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Alicia Bali, avocate associée chez White & Case, Patrick Coupeau, président de la chambre du contentieux du traitement des difficultés des entreprises du Tribunal de commerce de Paris, Romain Dumont, Maitre de conférence à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, Mathieu Della Vittoria, avocat associé chez Darrois Villey Maillot Brochier, Thibaut Duchesne, Maître de conférence à l’Université Jean-Moulin Lyon 3, Simon Martin-Gousset, avocat chez White & Case, Dominique Bompoint, avocat associé chez Cabinet Bompoint, Antoine Gaudemet, professeur à l’Université Paris II Panthéon Assas, Diane Lamarche, avocate associée chez White & Case, Jacques Fineschi, Président honoraire du Tribunal de commerce de Nanterre, Julien Bracq, Secrétaire Général Adjoint du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle, Lionel Spizzichino, avocat associé chez Willkie Farr & Gallagher, Saam Golshani, avocat associé chez White & Case.
Par Cyprien de Girval