Le 18 mars prochain aura lieu l’édition 2024 du Prix Ulysse. Organisé par l’ARE (Association pour le Retournement des Entreprises) ce prix récompense le meilleur retournement d’entreprise de l’année écoulée. Cette année les nominés sont Provence Location, Lise Charmel et le Groupe Caillé. Plus que quelques jours pour désigner le vainqueur, alors à vos votes !
Comme chaque année, l’ARE organise le prix Ulysse qui récompense le meilleur retournement d’entreprise de l’année écoulée. Plusieurs entreprises ont été sélectionnées au troisième trimestre de l’année dernière et trois ont été nominées.
Provence Location, entreprise marseillaise spécialisée dans la location de matériel évènementiel
C’est en 2003 que Frédéric Chemin créée Provence Location, une entreprise marseillaise spécialisée dans la location de matériel événementiel. Fort de plusieurs années d’expérience dans l’organisation de salons automobiles c’est en tant qu’ancien client qu’il bâtit le business model de son entreprise, en proposant une offre « clef en main » qui réponde à l’ensemble des besoins, en ciblant les organisateurs d’événements récurrents pour entretenir son volant d’activité, et en installant une culture du service forte afin de fidéliser sa clientèle. Cette stratégie se révèle rapidement payante, et Provence Location connaît une croissance ininterrompue même pendant les années de crise économique qui suivent 2008.
En 2010, Frédéric Chemin décide de créer une holding pour accompagner la croissance de son entreprise et pour pouvoir développer des activités connexes à son cœur de métier afin de répondre encore mieux aux attentes des clients : la holding devient propriétaire du matériel, tandis que des sociétés d’exploitation sont créées par activité.
Mais son erreur consiste à ne pas prendre la mesure du changement à opérer, en ne s’entourant pas des compétences adéquates pour mener l’opération à bien. Le montage est mal conçu, et Provence Location se retrouve en quelques mois en difficulté financière : l’entreprise est privée de ses actifs, placés dans la holding, et sans historique suffisant pour garder la confiance des partenaires financiers qui interrompent alors les financements. En 2011, alertée par des imprécisions comptables, l’administration fiscale déclenche un contrôle au cours duquel le vérificateur relève des manquements liés au montage.
Ce contrôle fiscal provoque un séisme. Bien que le caractère frauduleux un temps évoqué soit rapidement abandonné, les dégâts sur la réputation de l’entreprise sont réels. Quant aux frais financiers exceptionnels générés par le redressement fiscal, ils sont faramineux et grèvent le résultat de plus de 150 000 euros entre 2013 et 2017. En mai 2016, Provence Location et son dirigeant, qui avaient porté plainte contre le cabinet comptable responsable des déboires de l’entreprise, obtiennent gain de cause devant la justice, et reçoivent de la part de l’assureur du cabinet le remboursement des sommes avancées à l’administration fiscale. Le retournement peut donc s’enclencher.
Libérée de ces frais, Provence Location pense retrouver rapidement la croissance. Les fournisseurs historiques et réguliers lui conservent leur confiance et lui permettent de continuer à avancer. Surtout, l’entreprise récolte les fruits du travail de fidélisation de sa clientèle. Les clients restent, tant que Provence Location fait la preuve de sa capacité à honorer les commandes. Frédéric Chemin est donc conforté dans son choix stratégique de nouer des relations commerciales fortes. Mais la réputation de l’entreprise a été abimée, et une majorité de partenaires financiers ne suit plus. La situation n’est donc pas suffisamment favorable pour une solution amiable et une procédure de sauvegarde accélérée est mise en place en novembre 2016.
La situation s’améliore jusqu’à 2019, avant l’arrêt brutal des activités événementielles en 2020. Mais, paradoxalement, la crise sanitaire apporte un nouveau souffle à Provence Location. Non seulement l’entreprise a pu bénéficier de deux PGE qui lui permettent de rééquilibrer ses comptes, mais – en tant que propriétaire de matériel événementiel – elle a retrouvé une forte activité dès 2021 avec la location de tribunes pour les événements culturels autorisés en extérieur, et en fournissant les infrastructures pour les centres de vaccination temporaires mis en place par les communes. Deux fois, les choix stratégiques faits à la création de l’entreprise ont donc montré leur bien-fondé.
Le remboursement intégral des dettes est alors réalisé en 2022, avec plus de deux ans d’avance, et Provence Location sort de son plan de sauvegarde en janvier 2023. La solidité financière de l’entreprise est reconnue par la Banque de France, et le carnet de commandes rempli. Situation redressée !
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Lise Charmel, acteur emblématique de la lingerie haut de gamme
La Maison Lise Charmel est fondée dans les années 1950 à Lyon, dans le quartier de la soie, berceau de la corseterie française, et se développe en s’appuyant sur un savoir-faire d’excellence et une création innovante. Le groupe est constitué d’un ensemble de sociétés en France et à l’étranger qui couvrent toute la chaîne de valeur du produit, de la conception à la distribution en passant par la production et la logistique. Les produits sont commercialisés en BtoC et en BtoB dans près de 40 pays.
En 2018, des difficultés conjoncturelles apparaissent. Alors que le marché de la lingerie connaît un ralentissement général, le commerce est fortement affecté par les manifestations des « gilets jaunes » et le groupe doit faire face à des problèmes de trésorerie. Une procédure de mandat ad hoc est alors ouverte afin de restructurer sa dette bancaire ; les discussions avec les banques s’ouvrent le 21 octobre 2019, pour s’interrompre à peine deux semaines plus tard.
Dans la nuit du 7 au 8 novembre, le groupe subit une cyberattaque par rançongiciel qui le paralyse totalement juste avant les fêtes de fin d’année, période cruciale où l’activité est la plus forte ; il faudra plus de six mois pour que celle-ci reprenne totalement. Dans l’attente de l’indemnisation par la compagnie d’assurance du préjudice évalué par expertise à 10 M€, la direction décide de placer les sociétés françaises sous la protection du tribunal de commerce de Lyon en sollicitant l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 27 février 2020, quelques jours avant la fermeture des commerces pour cause de pandémie de Covid-19. Un nouveau coup dur pour une société déjà fragilisée.
Le groupe n’a pas attendu ces procédures pour lancer les premiers chantiers de transformation, notamment digitale. En 2018, une nouvelle plateforme logistique permet de gagner en performance dans le traitement des commandes, tout en réduisant les coûts de structure et de transport. Une même optimisation des process est enclenchée côté commercial avec le déploiement de commerciaux multimarques, en matière de communication en réduisant les investissements en affichage et en développant la communication digitale, ainsi qu’en réinternalisant certaines compétences pour limiter le recours à la sous-traitance.
À partir de 2020, dans le cadre du redressement judiciaire, le modèle économique est revu pour faire face aux nouvelles difficultés. L’offre est recentrée sur les deux marques principales, Lise Charmel et Antigel, et les gammes de produits sont rationalisées. Les deux sites de production les moins performants sont fermés, et les ateliers sont réorganisés pour optimiser la production. Ces changements dans l’offre et dans la production permettent de poursuivre l’amélioration de la chaîne logistique, et notamment de renégocier les conditions tarifaires des transporteurs. Les actions marketing sont rationalisées et fortement réorientées vers les canaux digitaux, les équipes de vente et le réseau de distribution ajustés au contexte « Covid » avec la fermeture de sept boutiques en France et cinq en Allemagne. Un PSE doit alors être mis en place en France suite à cette rationalisation et une nouvelle gouvernance est installée, constituée d’un conseil de surveillance et d’un directoire. Enfin, des comités de créanciers sont établis pour traiter les dettes bancaire et fournisseurs.
Dans son plan de développement 2020-2025, le groupe déploie son positionnement vers le très haut de gamme et le luxe, en misant sur ses capacités d’innovation et le potentiel de son implantation internationale, et en capitalisant sur sa notoriété. Le redressement est mené en associant le personnel à la recherche de solutions, en pleine transparence avec les partenaires, par une équipe managériale aguerrie épaulée par des professionnels du retournement. Malgré la difficulté supplémentaire que représente le contentieux toujours en cours avec l’assureur pour le versement de l’indemnité due suite à la cyberattaque, les efforts portent rapidement leurs fruits. Dès 2022, le groupe retrouve son niveau d’activité pré-Covid et développe sa rentabilité. Fin 2023, l’endettement devient nul et les capitaux propres reviennent au niveau de 2019. Les engagements souscrits ont été respectés et les recrutements ont repris depuis la sortie du redressement judiciaire.
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Groupe familial Caillé, acteur majeur de la distribution automobile et de la grande distribution alimentaire sur l’île de la Réunion
Le groupe Caillé est fondé au milieu du 19e siècle à la Réunion et se développe avec l’import d’articles manufacturés. En 1919, il devient importateur exclusif des autos Peugeot, activité qui prend son essor avec celui de l’automobile dans les années 1960.
En 1994, François Caillé, représentant la troisième génération, en devient président. Conscient de la fragilité que représente une mono-activité, il entreprend la diversification du groupe en l’ouvrant à la grande distribution alimentaire.
La crise financière puis économique de 2008 frappe l’île et le groupe Caillé durement. L’activité automobile ralentit dès 2009, alors même que Caillé venait d’acquérir le groupe local Dindar. L’arrêt brusque des marchés BTP et des marchés publics affecte la branche TP Poids Lourds et laisse l’entreprise avec des stocks très importants. Et enfin, en 2009 également, la branche grande distribution est perturbée dans son fonctionnement par le changement d’enseigne de Champion à Leader Price. Les partenaires financiers arrêtent alors leur soutien, et le groupe Caillé se trouve confronté à des difficultés de trésorerie qui l’empêchent de fonctionner normalement. Une procédure de sauvegarde est enclenchée début 2010.
Les mesures prises sont douloureuses. Entre 2011 et 2015, les activités non stratégiques ou déficitaires sont cédées ; sont concernés les pôles travaux publics, motos, bateaux, meubles et jouets. Les activités rentables de Madagascar sont, elles, cédées pour permettre de financer la restructuration du groupe ; il en est de même de l’hypermarché Géant Casino et de foncier non bâti. Les dépenses sont réduites : l’occupation des locaux est optimisée pour réduire les loyers, et les fonctions support et certaines activités commerciales sont mutualisées. À partir de 2016, le groupe finalise son recentrage sur ses activités historiques et ses entités rentables à la Réunion, et met en place des outils de suivi et de gestion rigoureux. Bien que toutes ces opérations aient été menées en limitant la casse sociale au maximum, un PSE concernant 116 personnes doit être organisé.
Les conséquences sur l’image du groupe sont mauvaises, et des fournisseurs retirent brutalement leur confiance. Mais les consommateurs restent fidèles, ce qui permet au groupe de conserver sa position dominante, le directeur « monde » de Peugeot, partenaire historique, affiche son soutien, et le président du tribunal de commerce valide le plan de sauvegarde, convaincu des capacités du groupe – bien accompagné par ses administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, auditeurs et avocats – à renverser la situation.
La forte cohésion des équipes et l’attachement au groupe et à ses valeurs, malgré les difficultés et les réductions d’effectifs, font alors la différence. François Caillé peut s’appuyer sur un comité de direction aguerri et solidaire, ainsi que sur l’engagement des collaborateurs qui permet de maintenir la qualité de service. En 2017, au bout de cinq ans, le bilan est déjà positif et une grande soirée rassemblant tout le personnel est organisée pour célébrer cette étape.
Le résultat du retournement dépasse les attentes. En honorant ses échéances, parfois par anticipation, le groupe Caillé retrouve la confiance de ses partenaires financiers et de ses créanciers. La rentabilité revient, à des niveaux jamais atteints. Aujourd’hui, le groupe a consolidé son patrimoine et retrouvé sa capacité à se développer. Le passage de relais à la quatrième génération Caillé peut donc se faire sous les meilleurs auspices.
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Rendez vous ensuite le 18 mars prochain à 19h à l’Automobile Club de France (sur invitation), place de la Concorde à Paris, pour l’annonce du retournement de l’année.
« Quel que soit celui qui remporte le Prix Ulysse, il représente toutes celles et ceux qui ne renoncent pas et qui relèvent les défis posés par les difficultés. C’est cela que nous voulons célébrer. » nous rappelle Xavier Bailly, président de l’ARE.
Par Gwenaëlle de Girval
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