Tous les ans depuis 2011, le Prix Ulysse de l’ARE (Association pour le Retournement des Entreprises) récompense le meilleur retournement d’entreprise de l’année. Véritable prix d’excellence, le Prix Ulysse distingue une entreprise qui aura réalisé un retournement spectaculaire, mais également inscrit son redressement dans la durée en donnant un nouvel élan à son activité. Pour ce faire, tous les aspects de l’entreprises, telles que les composantes sociales, industrielles et financières, sont prises en compte pour l’attribution de ce prix qui récompense ainsi un redressement complet et pluridisciplinaire. La cérémonie de remise du Prix Ulysse est un événement de prestige qui rassemble des entreprises et entrepreneurs, professionnels du retournement, personnalités du monde des affaires et représentants des pouvoirs publics. La cérémonie de remise des prix s’est tenue 28 mars 2022 place de la Concorde dans les locaux de l’Automobile Club de France, après un évènement 100 % digital pour la victoire de Verbaudet en 2021. Cette année, le prix Ulysse est décerné à l’entreprise Les Zelles qui remporte ainsi cette 12e édition, face au deuxième lauréat, le groupe Polyart Arbojex.
« Après 18 mois de crise du Covid, le comité Ulysse a eu la lourde tâche de sélectionner les nominés, au nombre de deux pour cette édition » indique Benoît Desteract, président de l’ARE. Composé de 11 membres parmi lesquels figurent Sophie Barbe, Marine Pace, Thierry Grimaux, Guillaume Foucault, Clotilde Delemazure, Claude de Craene, Celine Domenget-Morin, Serge Pelletier, Claude Dampierre, Frédéric Avazeri et Xavier Mesguich, le comité du prix Ulysse 2022 a nominé deux lauréats, les groupes Polyart Arjobex et Les Zelles, pour une édition placée cette année sous le haut patronage de Monsieur Alexandre Saubot, président de France Industrie.
Le jury du prix Ulysse 2022 qui eut la mission de départager les Lauréats fut cette année composé de Benoît Desteract, président de l’ARE, Frédéric Abitbol, président du CNAJMJ, Claire Chabrier, présidente de France Invest, Cédric Garcin, secrétaire général du CIRI, Sébastien Gauthier, Associé Alandia Industries et lauréat 2019, Thierry Jaugeas, Vice-président du conseil de surveillance de Vertbaudet et président de son comité de pilotage, Arthur Lepage, président d’ExcelRise et lauréat 2017, Sabine Lochmann, présidente de Vigeo Eiris et directrice monde de Moody’s ESG Measures, Marie-Hélène Monsèrié-Bon, Professeure, vice-présidente en charge des études et de la formation Université Paris 2 Panthéon-Assas, Jean-Charles Parisot, Président d’Alpagroup, lauréat 2018 et enfin, Georges Richelme, Président de la mission justice économique.
Créée en 1968, Arjobex est jusqu’en 2019 une filiale du papetier Arjowiggins. Elle compte alors 159 employés et réalise un chiffre d’affaires de 37 M€. Arjobex est spécialisée dans le papier synthétique, elle produit et commercialise sous la marque Polyart un papier HDPE (High Density PolyEthylene), segment qui connaît la plus forte croissance pour ses nombreuses applications et son caractère recyclable.
Malgré ses atouts, l’entreprise va se retrouver en difficulté en conséquence directe de celles rencontrées par sa maison mère, Arjowiggins, et, au-dessus, Sequana. À partir de 2008, Arjowiggins voit sa marge diminuer. En parallèle, Sequana, la société mère d’Arjowiggins, se trouve dans une situation de contentieux à partir de 2013. Cette dernière tombe en 2019 et fait échouer la procédure de sauvegarde que Sequana avait initiée en 2017. Une procédure de redressement est alors enclenchée en mars 2019, qui se transforme en liquidation deux mois plus tard.
Une procédure de sauvegarde en France et d’administration en Angleterre permettent d’éviter qu’Arjobex soit entraînée dans la liquidation d’Arjowiggins en avril 2019. Le « détourage » d’Arjobex est alors opéré, avec son rachat par Prudentia Capital à l’été 2019, qui apporte le soutien stratégique, opérationnel et financier qu’il manquait à Arjobex. Une opération de croissance externe vient compléter ce plan de retournement, avec l’acquisition amicale fin 2020 du groupe allemand MDV, qui lui permet non seulement de doubler de taille mais également de compléter son offre et son outil de production.
Ce redéploiement d’Arjobex est mené avec le recrutement dès 2020 d’un nouveau directeur général, Stéphane Daveau. Sous l’impulsion de cette nouvelle direction, le nouveau groupe réalise plus de 70 M€ de chiffre d’affaires dès la première année. Deux ans plus tard, la transformation d’Arjobex est manifeste et permet d’assurer la pérennité de l’entreprise. Les emplois ont été sauvés et l’effectif est passé de 159 à 300 avec l’intégration de MDV, et le chiffre d’affaires et la marge opérationnelle ont été doublés en deux ans. La nouvelle entité est désormais prête pour accélérer sa croissance, à la fois de manière organique et en réalisant d’autres acquisitions.
De son côté, fondée il y a 75 ans, Les Zelles opère sur le marché de la menuiserie extérieure, proposant la conception, la fabrication et la pose de fenêtres et fermetures. Familiale à ses débuts, l’entreprise se développe dans les années 1980 / 1990. Elle est rachetée en 1994 par le groupe Lapeyre, puis reprise par un fond d’investissement majoritaire en 2008. En 2009, elle rachète un fabricant de menuiseries aluminium bordelais, Eural.
À partir de 2012, le marché de la rénovation s’oriente fortement à la baisse, et l’entreprise subit une érosion de sa trésorerie. En septembre 2017, les actionnaires de l’entreprise recrutent un nouveau directeur général, Laurent Demasles, avec pour mission de restaurer la rentabilité et de procéder à la réorganisation du capital. En 2018, la trésorerie se trouve au plus bas. Sur ce constat, la direction de l’entreprise décide de déclencher une procédure de conciliation dès le deuxième semestre 2018 et conclut en moins de trois mois un accord avec ses partenaires financiers.
Grâce au retournement de la société mené par Laurent Demasles, le portefeuille d’activité est rééquilibré, avec notamment la mise en place d’outils de gestion plus fins, une meilleure maîtrise des achats, et le recrutement de nouveaux collaborateurs qui permettent d’améliorer la situation de l’entreprise dès 2019. En 2020, Les Zelles sort par anticipation de l’accord de conciliation et en mars 2021, alors qu’elle a atteint les objectifs de son plan de retournement en matière de trésorerie et de rentabilité avec un EBITDA multiplié par plus de deux en un an, le capital de l’entreprise est ouvert aux salariés qui deviennent son premier actionnaire.
Les Zelles, dont la conciliation avait été menée par 2M&associés (Carole Martinez et Marine Pace), avait été conseillée par le cabinet PLM Avocats (Patricia Le Marchand, Morgane Michel) sur les aspects juridiques, et KPMG sur les aspects financiers (François-Xavier Goldsmith) est celle qui a su convaincre le jury de lui décerner le prix Ulysse 2022.
Les Zelles succède ainsi à Vertbaudet (2021), Canal Toys (2020), Carbone Savoie (2019), P3G (2018), Excelrise (2017), Jardiland (2016), Anovo (2015), SPS (2014), Toupnot (2013), Mécachrome (2012) et CPI (2011) dans la liste des lauréats du Prix Ulysse. À cet effet, Benoit Desteract, président de la commission du Prix Ulysse de l’ARE, souligne que « le Prix Ulysse est un prix qui cherche à montrer qu’il est possible de rebondir, de réussir après avoir rencontré des difficultés ». Qui succédera à Les Zelles ? Rendez-vous en 2023 pour la prochaine édition du prix Ulysse !
Pour cette 12e édition, le prix Ulysse a pu compter sur ses sponsors parmi lesquels figurent les acteurs clé du restructuring, Eight Advisory, Rescue, Thémis Banque, Valtus, Accuracy, Advancy, Alix Partners, D&I, EY, Goodwin, Grant Thornton, June Partners, Philippe Hottinguer, PWC, Simon Associés, Valoren, VP Strat, Weil Gotshal & Manges et enfin, Willkie Farr & Gallagher ; mais également des partenaires presse dédiés tels que Les Echos capital finance, Option droit & affaires, Option Finance, Next Step, Les Echos le Parisien, Magazine Affaires, Décideurs Leaders League et enfin Mayday.
Par Lucile Guillerault