Le Livre VI du Code de commerce contient plusieurs sanctions contre le chef d’entreprise lorsqu’il apparait que les difficultés de la société résultent de son incompétence ou de sa malhonnêteté. Parmi ces sanctions, existe notamment la mesure d’interdiction de gérer permettant au tribunal d’écarter temporairement le chef d’entreprise de la vie des affaires à raison de fautes limitativement énumérées par la loi (omission de déclarer la cessation des paiements en 45 jours, comptabilité irrégulière ou fictive…)[1]. Nombre de dirigeants sont ainsi, à un moment de leur vie professionnelle, confrontés à une telle sanction les empêchant, pour un temps donné, de recréer une entreprise. La loi leur offre toutefois la possibilité de s’en sortir et ce, par plusieurs moyens. Eclairage d’Etienne Feildel, avocat associé et de Gaëtan Delmas, juriste au sein du cabinet Bruzzo Dubucq.
I. La cessation de plein droit de la sanction
Tout d’abord, selon l’article L653-11 du Code de commerce, l’interdiction de gérer est prononcée pour une durée laissée à l’appréciation souveraine du juge qui ne peut toutefois excéder quinze ans.
Une fois le terme fixé atteint, le dirigeant retrouve de droit sa capacité « sans qu’il y ait lieu au prononcé d’un jugement »[2].
En outre, en cas de clôture d’une liquidation judiciaire pour extinction du passif (hypothèse dans laquelle tous les créanciers ont été désintéressés), le dirigeant est rétabli dans tous ses droits, le relevant ainsi automatiquement de toute sanction prononcée à son encontre[3].
A côté de la cessation de plein droit de la sanction, il est également possible d’obtenir, sur demande, une radiation anticipée de la mesure, dans certains cas de figure déterminés.
II. L’action en relevé d’interdiction de gérer
Ainsi, l’article L.653-11 du Code de commerce prévoit la possibilité pour le dirigeant de solliciter, auprès du Tribunal, alors même que la mesure est toujours en cours et que le passif n’est pas éteint, un relevé anticipé de l’interdiction de gérer.
Deux hypothèses distinctes pourront justifier une telle demande : l’existence d’une « contribution suffisante » au paiement du passif de la part du dirigeant (a), ou la démonstration que l’intéressé présente désormais les garanties suffisantes pour gérer une entreprise (b).
a) Le relèvement pour contribution suffisante au passif
La possibilité pour le dirigeant frappé d’une mesure d’interdiction de gérer de solliciter le relèvement au vu de la démonstration d’une « contribution suffisante au paiement du passif » est une faculté déjà ancienne, puisqu’elle a été introduite depuis la loi du 25 janvier 1985[4].
S’il n’est donc n’est pas nécessaire que tous les créanciers aient été désintéressés[5], il demeure indispensable que la contribution soit significative[6] laissant ainsi au juge une capacité d’appréciation souveraine tant sur le caractère significatif au nom de la contribution que l’étendue du relèvement (partiel ou total).
Compte tenu de l’appréciation laissée au juge (a posteriori), il en résulte que le dirigeant n’aura pas la garantie d’obtenir le relevé de son interdiction de gérer au moment où il apporte sa contribution au passif.
b) Le relèvement à raison de garanties suffisantes
A côté de cette voie « classique » de relevé d’interdiction de gérer, la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, dans l’objectif de favoriser le « droit au rebond » du dirigeant[7], a ajouté une nouvelle possibilité de relevé d’interdiction de gérer totalement déconnectée d’une éventuelle contribution au passif.
Ainsi, la Loi prévoit désormais qu’un dirigeant peut également solliciter le relèvement d’une mesure d’interdiction de gérer dès lors qu’il « présente toutes garanties démontrant sa capacité à diriger ou contrôler l’une ou plusieurs des entreprises ou personnes visées par le même article. »[8].
Le caractère alternatif de ces deux conditions (contribution significative ou présentation de garanties suffisantes) a d’ailleurs été consacré par la jurisprudence[9].
L’idée de cette nouvelle mesure est de permettre à un ancien dirigeant dont les fautes de gestion ont été reconnues de prouver qu’il a, depuis sa condamnation, appris de ses erreurs, par exemple en effectuant une formation professionnelle sur la gestion d’entreprise[10], en démontrant avoir fait ses preuves en tant que cadre dans une entreprise[11], ou encore en justifiant d’un nouveau projet d’entreprise viable et sérieux[12].
III. L’action en déchéance de jugement pour défaut de signification
Plus méconnue, une autre opportunité « procédurale » peut exister pour le dirigeant afin d’obtenir le relevé d’une interdiction de gérer : l’action en déclaration de jugement non avenu.
En effet, en droit commun, dans l’hypothèse où la partie n’a pas comparu et le jugement n’a pas été notifié régulièrement dans les deux mois de son prononcé[13], la loi prévoit la possibilité de saisine du juge de l’exécution afin de caractériser le caractère « non avenu » du jugement[14], ce qui induit donc l’effacement rétroactif du jugement.
A défaut de dispositions contraires, il a été jugé que cette procédure de droit commun pouvait être mobilisée pour rendre non avenu un jugement en interdiction de gérer[15].
En pratique, si l’intéressé ne s’est pas défendu devant le tribunal lors du prononcé de l’interdiction de gérer, il est donc très important qu’il vérifie d’autre part si le jugement lui a bien été notifié dans les 6 mois de son prononcé, et d’autre part, si une signification est intervenue, si celle-ci est régulière.
En effet, le caractère non avenu du jugement pourra également être reconnu si la signification intervenue est irrégulière[16], c’est-à-dire par exemple dans les cas où l’huissier a notifié à une adresse incorrecte et n’a pas procédé à la réalisation de toutes les diligences utiles selon modalités du Code de Procédure Civile.
En pratique, s’il est constaté que le jugement est non avenu, celui-ci ne pourra produire aucun effet de sorte que l’interdiction de gérer sera rétroactivement anéantie, ce qui permettra d’obtenir la suppression au Fichier National des Interdits de Gérer (ci-après FNIG).
Fort de plusieurs expériences dans chacun de ces scénarios, le Cabinet Bruzzo Dubucq saura accompagner chaque dirigeant à toute étape de la procédure afin d’obtenir sa réhabilitation dans ses droits et ainsi lui permettre de recréer une entreprise.
Par Etienne Feildel, avocat associé et Gaëtan Delmas, juriste au sein du Cabinet Bruzzo Dubucq
[1] Voir en ce sens Article L653-8 et suivants du Code de commerce
[2] Article L653-11 alinéa 1 du Code de commerce
[3] Article L653-11 alinéa 2 du Code de commerce
[4] Article 195 de la loi n°85*98 du 25 janvier 1985
[5] CA Douai, 15 février 2001 : BICC 1er oct. 2001, n° 962
[6] Cass com 3 novembre 1992 n° 90-19.545
[7] Rapport n°2095 établi pour la Commission des Lois par Monsieur Xavier DE ROUX et enregistré le 11 février 2005, page 458 : La formulation de l’article L653-8 « peut laisser perplexe ; elle laisse en réalité aux juridictions un très grand pouvoir d’appréciation pour décider s’il est possible de laisser à l’intéressé une deuxième chance, après une première tentative malheureuse, sans mettre ses partenaires commerciaux ou financiers en danger. En particulier, le tribunal pourra tenir compte des efforts de formation qu’aura consentis le dirigeant ayant subi un premier échec. »
[8] Article L.653-11 alinéa 4 du Code de Commerce
[9] CA Pau, 23 novembre 2015 n°15/04490
[10] Article R.653-4 du Code de Commerce ; pour une illustration, voir : CA Grenoble, 6 janvier 2011, n° 10/02747
[11] CA Paris, 8 novembre 2016, n°16/01565
[12] TC AIX-EN-PROVENCE, 8 mars 2022 n°008154
[13] Article 478, Code de Procédure Civile
[14] Civ. 2e, 11 oct. 1995, n° 93-14.326
[15] TJ Nice, 4 octobre 2021, n° 21/02330
[16] CA Lyon, 6 mai 2010, n° 08/08415
1 commentaire
Bonjour je voulais un renseignement j ai eu une interdiction de 15 ans pour gérer une entreprise ont et fin 2024 je suis interdit jusqu’à 2026 je voulais me mettre en auto entrepreneur quelle sont les recours pour anticiper les 1 ans et 4 mois qui me reste à faire merci de me répondre et ci une solution et possible et sûre dit le mois quitte à passer part vos service merci